La récente appréciation du dollar constitue une embellie à géométrie variable pour l'économie américaine, car si elle permet de réduire les tensions inflationnistes, elle risque aussi de peser sur la croissance en freinant les exportations.
Le billet vert, qui était tombé au niveau record de 1,60 dollar pour un euro début juillet, a opéré en un peu plus d'un mois un redressement spectaculaire qui l'a amené sous 1,47 dollar depuis vendredi.
Le dollar semblait s'être stabilisé lundi mais pour les analystes, la tendance est claire.
"L'appréciation va se poursuivre, même si ce n'est pas forcément de façon linéaire. Après les gains énormes des dernières semaines, le dollar pourrait reculer un peu avant de repartir à la hausse", affirme Stephen Gallagher de la Société Générale.
Pour lui, "on peut envisager un euro à 1,40 dollar d'ici six mois".
La raison de cette appréciation, rappellent les économistes, tient plus à la montée de pessimisme sur la santé de la zone euro et du Japon qu'à un regain de confiance dans l'économie américaine.
"Il y a quelques mois tout le monde disait que l'économie mondiale allait s'en sortir même si les Etats-Unis tombaient en récession. Une réévaluation majeure a eu lieu au cours des dernières semaines sur le fait que le reste du monde allait souffrir de la faiblesse de la consommation américaine", souligne M. Gallagher.
Néanmoins, la hausse du dollar est positive pour l'économie américaine sur le chapitre de l'inflation, notent les analystes - d'autant qu'elle s'accompagne souvent d'une baisse des prix de l'énergie.
"La baisse du prix du pétrole est une bonne chose en soit, la hausse du dollar est une bonne chose aussi, parce qu'elles ont toutes deux un effet désinflationniste", souligne Drew Matus de Merrill Lynch.
Un dollar plus fort rend les produits importés moins coûteux, et cela limite ainsi les risques d'inflation "importée" aux Etats-Unis. Le président de la Réserve Fédérale, Ben Bernanke, s'était lui-même inquiété en juin des risques qu'un dollar faible faisait courir à la stabilité des prix.
Le répit sera bienvenu alors que la hausse des prix à la consommation a atteint 5,6% en juillet, un sommet en 17 ans.
Mais s'il coûte moins cher d'importer, les exportations dans le même temps se renchérissent, et cela risque à terme de peser sur la balance commerciale.
De plus, si la convalescence du billet vert découle d'un affaiblissement de la croissance mondiale, les Américains verront leurs exportations diminuer.
C'est un risque pour la croissance, alors que le commerce extérieur est actuellement l'unique béquille de la croissance américaine.
"Il est évident que, si l'appréciation du dollar se poursuit, cela risque de doucher la croissance des exportations", estime M. Matus.
"Mais il faut garder à l'esprit que les taux de change mettent du temps à agir sur le commerce extérieur, entre six et douze mois. C'est pourquoi il a fallu longtemps à l'économie américaine pour bénéficier de l'affaiblissement du billet vert", ajoute-t-il.
Les entreprises américaines, elles, risquent de sentir plus rapidement les effets de l'appréciation.
Si la plupart des grandes compagnies américaines ont eu de bons résultats récemment, "c'était parce qu'elles ont beaucoup bénéficié de la force des exportations", note Gregori Volokhine de Meeschaert Capital Markets.
Coca-Cola a par exemple vu son bénéfice opérationnel dopé de 16% au deuxième trimestre en Europe, tandis que Kellogg affichait un chiffre d'affaires en hausse de 17% à l'international.
Dans cette perspective, "une forte remontée du dollar n'est pas forcément ce qu'il y a de mieux pour certains secteurs de l'économie", avertit M. Volokhine.