
Les Européens vont finalement recapitaliser leurs banques. Il aura fallu moins de deux mois aux dirigeants du Vieux Continent, qui freinaient des quatre fers, pour finalement s'y résoudre, sous la pression conjuguée des marchés et du Fonds monétaire international (FMI).
Les banques européennes "ont besoin d'une recapitalisation urgente", "c'est essentiel pour mettre fin à la contagion" de la crise de la dette. La sentence est émise le 27 août, à Jackson Hole (Etats-Unis), par la directrice générale du FMI Christine Lagarde.
La Française, encore ministre des Finances deux mois plus tôt, n'aura pas tardé à s'émanciper.
Prémonitoire? Auto-réalisateur plutôt, répondent ses détracteurs européens, prompts à l'accuser de mettre de l'huile sur le feu au moment où les valeurs bancaires tentent de résister à une descente aux enfers sur les marchés.
Les Européens ne veulent pas en entendre parler, sauf pour la poignée d'établissements qui ont échoué aux tests de résistance du début de l'été.
"Les banques européennes sont mieux capitalisées qu'elles ne l'étaient il y a un an", rétorque Bruxelles, tandis que le patron de la Deutsche Bank, Josef Ackermann, dénonce des réflexions "contre-productives".
Les Français sont plus les virulents. Le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer, d'ordinaire très posé, lâche que la patronne du FMI a dû être "très mal informée par ses services".
Quoi qu'il en soit, les valeurs bancaires replongent début septembre. Malgré la chute, les arguments ne varient pas. Les banques françaises peuvent "faire face" à tout "scénario grec", martèle le ministre des Finances français François Baroin.
Le successeur de Christine Lagarde à Bercy assume cette inflexibilité: "La répétition étant la meilleure des pédagogies, on va le répéter jusqu'à ce que ce soit entendu."
En privé, les Européens surjouent l'étonnement. "Je n'arrive pas à comprendre d'où viennent les doutes sur les banques", soupire le 10 septembre un dirigeant en marge d'une réunion du G7 à Marseille (France).
Seules quelques voix européennes, comme la Suède, donnent raison au FMI.
Assurer les arrières
La bataille des chiffres fait rage. Selon une fuite dans la presse, le FMI évalue à 200 milliards d'euros les pertes maximales encourues par les banques européennes en cas d'aggravation de la crise. Cette estimation enflamme les débats.
"Ce n'est qu'une mouture de travail, vous verrez: lors de la publication du rapport définitif, ils ne diront pas la même chose", balaye un haut responsable européen.
Le 21 septembre, le FMI publie ce fameux rapport. Et chiffre à ... 200 milliards "les répercussions directes" de la crise sur les banques de l'UE. Le Fonds précise toutefois que ce montant ne correspond pas forcément aux besoins de recapitalisation.
Pendant ce temps, les marchés poursuivent leurs montagnes russes. Et les Etats-Unis redoublent de pressions pour convaincre l'Europe d'agir.
Du coup, le discours évolue timidement. "Même si nos banques sont solides, si nous ne rassurons pas les marchés, elles vont finir par s'affaiblir", reconnaît un haut responsable en marge d'une réunion des grands argentiers à Washington.
C'est début octobre que l'Europe officialise son revirement. Avec une double offensive de la Commission européenne, prônant une opération "coordonnée" de recapitalisation, et de l'Allemagne, pour qui désormais "le temps presse".
Berlin entend en fait renforcer les banques pour qu'elles effacent une part substantielle de la dette grecque. En clair, assurer d'abord leurs arrières pour organiser ensuite un défaut de paiement d'Athènes.
"Les Allemands pensent que cette solution éviterait de devoir prendre d'autres décisions" pour renforcer la zone euro, grince un diplomate d'un autre pays européen.
La France traîne les pieds. Elle redoute qu'un renflouement public ne fragilise son fameux "triple A", mais finit par céder: "il faut plus de capital dans les banques, y compris françaises", admet Bercy vendredi.
L'accord de principe est scellé, sans détails, dimanche à Berlin par le président Nicolas Sarkozy et la chancelière Angela Merkel. Les banques européennes seront donc recapitalisées. Lesquelles? quand? combien? comment? Les Européens ont promis de répondre d'ici leur sommet du 23 octobre.