
Face à l'Allemagne et à la Commission européenne, passées à l'offensive sur la nécessité de recapitaliser les banques, la France se montre beaucoup plus discrète, moins pressée, et réticente à évoquer d'éventuels renflouements publics.
Malgré la tempête traversée depuis l'été par les valeurs bancaires sur les marchés, Paris assure que les établissements français sont solides, même en cas de faillite de la Grèce.
Des propos en décalage avec ceux de la chancelière allemande Angela Merkel, pour laquelle il faut "vite" recapitaliser les banques européennes. Ou ceux de la Commission européenne, qui propose aux gouvernements "une action coordonnée" en ce sens, avec un éventuel "soutien public".
Le gouvernement français s'est abstenu de réagir, dans l'attente du sommet de dimanche entre Angela Merkel et le président Nicolas Sarkozy. Mais sa ligne a légèrement évolué ces derniers semaines.
"Il faudra plus de capital pour les banques", reconnaît-on désormais de source proche du gouvernement. "Il y a des discussions en cours au niveau européen", ajoute-t-on.
A Paris, on estime que le débat porte essentiellement sur une accélération de la mise en oeuvre des nouvelles normes dites de Bâle III, qui imposent un niveau de fonds propres "durs" (capital social et bénéfices mis en réserve) d'au moins 7% dès début 2019.
"On voit bien que le marché demande que ce soit plus rapide", note-t-on de source diplomatique.
C'est la seule concession faite par la France: s'il faudra, in fine, recapitaliser des banques, ce n'est pas parce qu'elles en ont besoin, c'est pour ramener la confiance chez les investisseurs.
"De fait, les banques sont soumises à la pression des marchés", admet un haut responsable français. Et pour cause, les banques françaises sont les plus exposées en Europe au risque de défaut de la Grèce ou de l'Italie.
Mais le gouvernement insiste aussi sur le fait que les grandes banques françaises prévoient déjà de remplir l'objectif de Bâle III dès 2013, laissant entendre qu'en matière d'accélération, elles ont fait leur part.
"Si la pression est trop forte pour augmenter trop rapidement les fonds propres, ça peut conduire à des pressions sur le bilan des banques et avoir un impact sur le financement de l'économie et donc sur la croissance", prévient le haut responsable.
"La recapitalisation n'est pas la bonne réponse, car il n'y a aucun problème tant qu'il n'y a pas de problème sur la dette italienne", acquiesce Patrick Artus, chef économiste chez Natixis. "Or même en cas de défaut de l'Italie, extrêmement improbable, on aurait beau doubler le capital des banques, ce ne serait pas suffisant."
Pour autant, il faut donner des gages aux marchés. L'économiste plaide par exemple pour que les banques intègrent dans leurs comptes une décote supplémentaire sur la dette grecque, pour montrer qu'elles sont prêtes à encaisser les pertes liées à une restructuration --une éventualité déjà sérieusement envisagée par plusieurs banquiers.
En fait, outre une différence de communication --"Merkel parle beaucoup, alors que Sarkozy se tait" sur le sujet, relève un diplomate européen-- et un sentiment d'urgence moins marqué en France qu'Outre-Rhin, Paris et Berlin semblent surtout s'opposer sur les voies d'une recapitalisation.
La France se montre très réservée lorsqu'on évoque d'éventuels plans de renflouement public, via une entrée de l'Etat au capital de certaines banques --un sujet explosif à quelques mois de l'élection présidentielle.
"On compte sur les banques pour se capitaliser elles-mêmes", martèle-t-on à Paris. Un éventuel financement public n'interviendrait qu'en dernier recours.
Et pour cela, le gouvernement français affiche clairement sa préférence pour des financements communautaires, via le Fonds européen de stabilité financière (FESF) lorsqu'il sera habilité à le faire. Ce que Berlin refuse.