Formidable atout pour la France, le dynamisme de la natalité, avec son cortège de jeunes arrivant tous les ans sur le marché du travail, rend plus difficile à court terme la réduction du chômage, défi aggravé par l'impact de la réforme des retraites, ce qui rend indispensable une croissance plus soutenue, selon des économistes.
Le défi a été rappelé la semaine dernière par le Premier ministre François Fillon: "une augmentation de la population, ça rend difficile la lutte contre le chômage, il va falloir augmenter les efforts", a-t-il dit, alors que le chômage de masse continue de frapper, avec une explosion du nombre des demandeurs d'emploi en juillet à son plus haut niveau depuis onze ans.
Le secrétaire d'Etat au Tourisme Frédéric Lefebvre a insisté aussi cette semaine sur la difficulté pour la France de faire baisser le chômage "parce qu'on a un taux de natalité beaucoup plus important que beaucoup d'autres pays".
La mise en avant de l'argument démographique par M. Lefebvre a suscité une polémique, Manuel Valls, candidat à la primaire socialiste, jugeant ses propos "hallucinants" tandis que Christine Boutin, présidente du PCD (allié à l'UMP), les qualifiait d'"indignes d?un ministre de la République".
Les économistes s'accordent pour reconnaître que la dynamique démographique complique à court terme la lutte pour l'emploi : "Il est plus difficile de faire baisser le chômage en France qu'en Allemagne", où la population active baisse, souligne auprès de l'AFP Eric Heyer, de l'Observatoire français des Conjonctures économiques (OFCE).
Selon les estimations de l'OFCE, la population active - somme des actifs et des chômeurs - progresse chaque année de 140.000 en France, l'écart entre les 800.000 jeunes qui débarquent sur le marché de l'emploi et les 660.000 qui partent à la retraite.
"Mais le gouvernement ne peut pas tout mettre sur le compte de la natalité" puisque le report de l'âge du départ à la retraite, prévu dans loi de 2010, "compte pour 40.000 dans cet accroissement de la population active", souligne M. Heyer.
Jacques Freyssinet, professeur d'économie à Paris I, estime aussi que "dans l'immédiat, comme le volume de l'emploi est contraint par la crise, si la population active augmente, cela crée du chômage".
La natalité: une "énorme chance" pour la France
Mais, rappellent ces économistes, la natalité est une "énorme chance" pour la France à moyen terme. "La croissance potentielle est d'autant plus forte que sa population active augmente", relève M. Freyssinet qui souligne qu'en Allemagne la baisse de la population active est "un danger" pour le pays.
France Prioux, démographe à l'Ined, abonde dans le même sens, en France "c'est plus difficile dans l'immédiat pour le marché du travail, mais c'est plus favorable à long terme".
La dynamique démographique "crée aussi un devoir" dans l'immédiat pour le gouvernement, estime M. Heyer, celui d'agir pour augmenter la croissance et les créations d'emploi.
Des créations nettes d'emploi relativement soutenues- 143.000 en 2010 et 126.500 au premier semestre de cette année- n'ont pas réussi à faire refluer le chômage de masse, resté à 9,2% au premier trimestre, selon l'Insee qui publiera jeudi son estimation pour le deuxième trimestre.
Pour combattre le fléau, selon M. Heyer, il faut "soit plus de croissance", soit "partager le travail existant" - par des formules comme le temps partiel- ou soit "créer des emplois publics, des emplois aidés, qui ne sont pas liés à la croissance".
Pour l'heure, les perspectives économiques restent moroses: la croissance a été nulle au deuxième trimestre et le gouvernement a revu en baisse ses prévisions pour 2011 et 2012, à 1,75%.