La zone euro va tenter mardi de réduire ses divergences sur la façon d'impliquer les créanciers privés dans l'aide à la Grèce, avec une marge de manoeuvre très étroite et sous l'oeil des agences de notation qui parient sur un défaut de paiement du pays.
Soulager la Grèce du poids de son énorme dette --près de 350 milliards d'euros-- sans qu'elle soit considérée en banqueroute: c'est tout l'enjeu des discussions entre les ministres des Finances de la zone euro, réunis mardi à partir de 16H00 (14H00 GMT) à Bruxelles.
La rencontre sera élargie dans la soirée à l'ensemble des pays de l'UE pour discuter plus généralement des moyens d'éviter de nouvelles crises de la dette.
"Si une solution peut être trouvée qui évite le risque de défaut, cela nous paraît convenir", a résumé Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France. "Si vous n'en trouvez pas, si vous touchez malgré tout à la dette et que vous provoquez un défaut ou un +événement de crédit+, il faut vous préparer à financer intégralement l'économie grecque", a-t-il prévenu.
Un "événement de crédit" serait une action sur les emprunts grecs assimilée à un défaut de paiement, entraînant une dégradation des notes des agences de notation, un déclenchement des CDS, les contrats d'assurance sur les emprunts d'Etat, et des réactions en chaîne catastrophiques tant pour le pays lui-même que pour ses voisins de la zone euro.
Pour Athènes, les 110 milliards d'euros de prêts sur trois ans promis l'an dernier par les Européens et le Fonds monétaire international (FMI) n'ont pas suffi.
La rallonge nécessaire a été chiffrée à "plus de 80 milliards d'euros" durant le week-end par le ministre belge des Finances, Didier Reynders.
L'Allemagne semble avoir rallié la majorité de ses partenaires à l'idée de faire participer les détenteurs privés de dette publique grecque, banques, assureurs et fonds d'investissement. Mais reste à savoir comment.
Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, a réaffirmé samedi qu'il n'y aurait "pas de restructuration totale", obligeant les créanciers privés à renoncer à une partie de leurs remboursements, mais une "restructuration douce et volontaire".
L'idée serait de donner à Athènes plus de temps pour rembourser: soit, et c'est l'option prônée par Berlin, en échangeant les obligations existantes par d'autres de plus longue durée; soit en obtenant des créanciers privés la garantie que lorsque leurs prêts arriveront à échéance, ils en octroieront d'autres de même montant ("debt roll-over").
"Nous souhaitons littéralement recueillir 25 milliards d'euros pour les Grecs auprès des banques, des sociétés d'assurance et des fonds de pension, à qui l'on demande amicalement de prolonger les prêts existant", a indiqué Didier Reynders. "Si nécessaire, nous exercerons une pression douce sur ces investisseurs privés", a-t-il dit.
Participation volontaire ou sous pression des créanciers privés: c'est sur ce point que se cristallisent les discussions.
Pour Jean-Claude Trichet, "les restructurations de dette doivent être volontaires", sous peine de créer un mouvement de défiance très dangereux. La Commission européenne est sur cette ligne.
Mais même sur base volontaire, il n'est pas certain que cela suffira à éviter une sanction.
L'agence Standard and Poor's a prévenu lundi que, quelle que soit l'option retenue (échange de titres ou allongement des maturités), elle considérerait cela "de facto comme un défaut" et baisserait encore sa note sur la Grèce. Elle vient déjà de la dégrader à "CCC", considérant que le risque de défaut du pays dans les douze mois s'est encore accru.