La Banque centrale européenne (BCE) a laissé entendre jeudi qu'elle opérerait une hausse de son taux directeur en juillet, mais c'est surtout sa prise de position sur la crise de la dette grecque qui a retenu l'attention.
Son président Jean-Claude Trichet a signifié qu'elle restait catégoriquement opposée à toute forme de restructuration, se montrant ouvertement "critique" envers les gouvernements qui l'envisagent, note Marco Valli, chef économiste chez UniCredit.
"Notre position est claire et nous l'avons signifié aux gouvernements européens: pas +d'événement de crédit+, pas de défaut de paiement", a-t-il déclaré lors de la conférence de presse suivant son annonce sur les taux à Francfort (ouest), excluant "toute participation des créanciers privés qui ne serait pas volontaire".
Un "événement de crédit" désigne toute action sur les titres de dette grecque qui conduirait les agences de notation à dégrader leur avis sur la solvabilité du pays.
Aux yeux de la plupart des observateurs, un allongement de la maturité des obligations grecques en circulation, comme le propose l'Allemagne, en constituerait un.
Au grand maximum, l'institution serait favorable à un "rollover", qui verrait les créanciers de la Grèce renouveler de leur plein gré leur engagement quand leurs titres arrivent à maturité.
Mais la BCE elle-même n'y participerait pas, a dit M. Trichet.
"La BCE ne défend pas ses propres intérêts" en s'opposant à une restructuration mais ceux de la zone euro, a-t-il encore asséné.
Certains observateurs notent pourtant qu'une restructuration grecque lui causerait des pertes importantes. Elle détient des milliards d'euros d'obligations publiques grecques, soit directement soit au travers de garanties fournies par les banques. Mais les pertes éventuelles de la BCE seraient au final comblées par ses "actionnaires", les Etats européens, et en premier lieu l'Allemagne.
Malgré ce tir de barrage, la BCE est bien démunie car "au final, ce sont les gouvernements de la zone euro qui décideront et pas la BCE", rappelle Carsten Brzeski, d'ING.
Conscient de ce fait, M. Trichet a dégainé une menace que la BCE a déjà laissé planer: elle n'accepterait plus les obligations grecques comme garanties de prêts. Cela serait un coup dur pour les banques grecques très dépendantes des liquidités fournies par l'institution, et qui utilisent des titres de dette comme garanties.
Les gouverneurs de la BCE avaient précédemment décidé de maintenir son taux directeur à 1,25%. M. Trichet a signalé une hausse des taux d'intérêt le mois prochain, sans se prononcer sur la suite.
"Nous sommes dans un mode où il peut y avoir une hausse des taux à la prochaine réunion" du conseil des gouverneurs, a-t-il dit.
La BCE, dont le mandat est de maintenir la hausse des prix sous le seuil de 2%, a mis en avant des pressions inflationnistes accrues, qui se traduisent par des prévisions relevées de hausse des prix pour cette année.
Elle table à présent sur une hausse des prix de 2,6% en 2011. En mars elle voyait l'inflation pour cette année à 2,3%.
"Il est très important que la hausse des prix ne se traduise pas par des effets de second tour sur les salaires, ce qui conduirait à des pressions inflationnistes encore plus larges", a-t-il insisté.
Elle a également relevé sa prévisions de croissance en zone euro en 2011, à +1,9% (contre 1,7% précédemment), malgré la situation contrastée des pays de la zone euro.
Elle a par ailleurs annoncé la poursuite jusqu'à la fin du troisième trimestre de la mise à disposition de liquidités illimitées à taux fixe aux banques.