Une restructuration de la dette grecque aurait des conséquences graves, a souligné jeudi le ministre allemand des Finances, donnant des gages à la Banque centrale européenne (BCE) qui ne veut pas en entendre parler.
"Un scénario de restructuration serait accompagné de risques importants", a dit le ministre Wolfgang Schäuble au quotidien économique Handelsblatt, soulignant que cela pourrait provoquer une ruée des créanciers d'Athènes pour récupérer leur mise, et ainsi placer le pays en situation de défaut de paiement.
Or une faillite de la Grèce pourrait avoir "des conséquences encore plus dramatiques que l'effondrement de Lehman Brothers", banque américaine dont la faillite en septembre 2008 avait déclenché la crise financière, a estimé le ministre, reprenant à son compte les propos du chef économiste de la BCE Jürgen Stark.
Cette déclaration apporte de l'eau au moulin de l'institution monétaire de la zone euro qui se démène depuis plusieurs semaines pour tenter de convaincre marchés et gouvernants européens qu'une restructuration, présentée comme inévitable par certains, n'est pas la "solution miracle" au problème de la dette grecque.
Pour la BCE, il faut laisser le temps à Athènes de mener le plan d'économie et de privatisations sur trois ans défini en 2010 avec l'Union européenne, le FMI et la BCE, en échange d'un prêt de 110 milliards d'euros.
L'Allemagne peine à dégager une position claire sur la question.
M. Schäuble avait ainsi récemment plaidé pour une restructuration "douce" de la dette grecque ou +reprofilage+, c'est-à-dire un rééchelonnement des délais de paiement, mais en posant de strictes conditions: une participation volontaire des investisseurs privés et la bénédiction de la BCE.
La chancelière Angela Merkel, elle, ne veut pas entendre parler de mise à contribution des investisseurs privés avant 2013 et l'entrée en fonction du mécanisme permanent de soutien aux pays de la zone euro en difficulté (ESM).
Alors que, selon une source proche du ministère, la position de M. Schäuble n'a pas varié, l'économiste Frank Engels, de Barclays Capital estime au contraire que ses dernières déclarations "signifient explicitement qu'il s'opposera à un +reprofilage+ ou à une restructuration."
"Cet entretien est destiné à montrer aux marchés que les politiciens (allemands) (...) restent pour l'instant opposés à une restructuration", poursuit-il, jugeant "qu'il était temps que le gouvernement allemand parle d'une même voix".
Pour l'économiste de Barclays, Berlin "ne veut pas prendre le risque d'un conflit ouvert avec la BCE".
"Nous avons toujours été bien inspirés de respecter l'indépendance" de la BCE, a en effet dit M. Schäuble au Handelsblatt. Berlin veut à tout prix préserver la crédibilité de l'institution, qui apparaît aux marchés comme l'un des derniers ancrages sûrs dans une union monétaire tourmentée.
D'autant plus que la farouche indépendance revendiquée par l'institution monétaire est un héritage de l'Allemagne, qui a insisté pour que ses statuts soient copiés sur ceux de la sévère Bundesbank.
Quant à la Grèce, "tous les scénarios pour la soutenir n'ont pas encore été épuisés" au sein de l'Union européenne, a jugé M. Schäuble, en reconnaissant que "les mesures de disciplines budgétaires seules ne pourront pas résoudre les problèmes" du pays qui a besoin d'améliorer sa compétitivité.
"Il faut une perspective de croissance à moyen et long terme", a jugé le ministre allemand, qui évoque notamment la piste d'investissements dans l'énergie solaire ainsi que dans les réseaux électriques.