Soumis à une pression insoutenable des marchés, le gouvernement socialiste portugais, démissionnaire, a finalement dû céder et s'apprête à négocier avec Bruxelles, fort du soutien de l'opposition de droite, un plan d'aide financière dont les contours restent à définir.
Après la Grèce et l'Irlande l'an dernier, le Portugal devient ainsi le troisième pays de la zone euro victime de la crise de la dette, laissant l'Espagne désormais en première ligne.
Mercredi soir, José Socrates, le visage fermé, a annoncé à ses compatriotes qu'il avait finalement adressé à la Commission européenne une demande d'aide financière, invoquant l'"aggravation dramatique" de la situation en raison des taux d'intérêt désormais trop élevés pour pouvoir emprunter sur les marchés.
Après avoir pendant des mois exclu toute aide, pourtant jugée inévitable par beaucoup, le Premier ministre socialiste a "capitulé", selon l'expression reprise jeudi par plusieurs journaux portugais.
La requête, déjà communiquée au président de la Commission européenne José Manuel Barroso, sera formalisée dans la journée, a précisé jeudi le porte-parole du gouvernement portugais, Pedro Silva Pereira.
Elle devrait être largement discutée vendredi et samedi à Budapest au cours d'une réunion informelle des ministres européens des Finances, soucieux de mettre rapidement un terme à l'effet domino.
"Tous les instruments disponibles" pour les pays de la zone euro sont "opérationnels", a réaffirmé jeudi un porte-parole de la Commission, Amadeu Altafaj. Mais l'aide sera "assortie de conditions", a-t-il rappelé.
La Commission va négocier un programme d'"ajustement économique" avec les autorités portugaises, a noté le porte-parole, saluant au passage "l'appui formel" de l'opposition de centre-droit à la demande d'aide présentée par le gouvernement démissionnaire.
Le Parti social-démocrate (PSD), qui avait provoqué le 23 mars la chute du gouvernement en rejetant un quatrième plan d'austérité en un an, s'est déjà dit prêt à "faciliter" la négociation d'un "cadre minimum d'aide", renvoyant les discussions sur un programme plus ample à après les législatives anticipées du 5 juin et l'entrée dans ses fonctions d'un nouveau gouvernement.
"La situation politique portugaise est connue des institutions européennes" et "limite inévitablement la possibilité du gouvernement d'assumer des engagements qui lient le pays sur une durée normale dans ce type d'assistance financière", a convenu jeudi le porte-parole du gouvernement.
Comme M. Socrates la veille, M. Silva Pereira a insisté sur le fait que la demande portugaise était "adressée à la Commission européenne", semblant écarter un recours immédiat au Fonds monétaire international (FMI), jusqu'ici associé aux instruments européens de stabilisation financière.
Alors que le montant de l'aide nécessaire avait été évalué fin mars à autour de 75 milliards d'euros par le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker, jeudi, le Diario Economico estimait qu'elle pourrait s'élever à "90 milliards, soit plus de la moitié du PIB".
Jeudi, tant Bruxelles que Lisbonne se sont refusés à avancer des montants. "Les besoins devront être analysés sur le terrain et au jour d'aujourd'hui il n'y a pas de chiffres sur cette assistance financière", a déclaré le porte-parole européen. Toutefois, a-t-il assuré, l'aide sera versée "dans les meilleurs délais".
Pour Lisbonne, le temps presse. D'ici à la mi-juin, l'Etat portugais doit rembourser plus de neuf milliards d'euros de dette, et plusieurs entreprises publiques ont déjà fait savoir qu'elles ne pourraient plus verser les salaires à partir de juin.
La demande d'aide a d'ailleurs été accueillie avec soulagement par les milieux économiques portugais et notamment les principales banques, qui redoutaient d'être entraînées par les difficultés de l'Etat.
Selon un sondage publié jeudi, les Portugais sont très partagés, 39% y étant favorables, autant jugeant qu'elle aurait dû être évitée.