
Rome a contre-attaqué mercredi après la montée du français Lactalis au capital du groupe agroalimentaire Parmalat en adoptant des mesures de défense des joyaux économiques du pays, alors que les manoeuvres des groupes français se multiplient dans la Péninsule.
Au lendemain de l'annonce par Lactalis de sa montée à 29% du capital de Parmalat après avoir racheté les 15,3% des fonds Zenit, Skagen et Mackenzie, le gouvernement a adopté un décret autorisant les entreprises à repousser leur assemblée générale jusqu'à fin juin.
Technique de prime abord, cette mesure peut permettre concrètement à Parmalat de repousser son assemblée convoquée pour les 12 et 14 avril, le temps que se mette en place une éventuelle alliance d'investisseurs italiens que le gouvernement appelle de ses voeux afin de barrer la route à Lactalis.
Avec 29% de Parmalat, ce qui en fait le premier actionnaire, le fromager Lactalis est en effet assuré d'imposer ses vues lors de l'assemblée qui doit renouveler le conseil d'administration.
Cette prise de contrôle "de facto" de Parmalat, l'un des groupes les plus connus du pays, considéré comme un fleuron de la filière agroalimentaire, a suscité l'émoi de la classe politique italienne et des milieux d'affaires.
L'Italie craint en effet de se faire ravir ses joyaux économiques alors que l'offensive de Lactalis n'est que le dernier exemple des manoeuvres françaises: le géant LVMH vient de s'offrir le joaillier Bulgari tandis qu'EDF discute avec les actionnaires italiens d'Edison pour parvenir à un accord sur le contrôle du groupe d'énergie.
Le gouvernement n'entend pas en rester là et le ministre de l'Economie Giulio Tremonti a évoqué mercredi en conseil des ministres "d'autres hypothèses d'intervention" qui pourraient être adoptées dans le cadre d'amendements au décret après consultation de Bruxelles.
Selon la presse, Rome compte s'inspirer de la législation française afin de protéger les secteurs de l'agroalimentaire, de la défense, des télécommunications ou de l'énergie en imposant l'avis du gouvernement sur le lancement d'OPA par des groupes étrangers.
Le gouvernement a par ailleurs sorti l'arme fiscale en demandant au fisc de lancer des contrôles sur les opérations Lactalis-Parmalat et Bulgari-LVMH.
L'adoption de ces mesures par Rome pourrait relancer la bataille pour Parmalat alors que les jeux semblaient faits.
Mais reste à savoir si l'alliance d'investisseurs italiens qui pourrait s'organiser autour de la banque Intesa Sanpaolo, détentrice de 2,4% de Parmalat, verra le jour.
Le groupe Ferrero, connu pour ses marques Nutella et Kinder, a confirmé son intérêt pour un "projet industriel de long terme" défendant le caractère italien de Parmalat. Selon la presse, ses dirigeants auraient rencontré ceux de Lactalis afin de discuter, une information sur laquelle Ferrero se refusait à tout commentaire.
Sur le plan politique, la majorité a salué l'adoption des mesures du gouvernement. C'est "providentiel et nous espérons que cela puisse être utilisé pour maintenir Parmalat dans des mains italiennes", a déclaré Maurizio Fugatti du parti de la Ligue du Nord.
Mais au sein de l'opposition de gauche, le parti de l'Italie des Valeurs ne cachait pas son scepticisme. Ces mesures sont "sans effets pratiques" et le gouvernement, qui n'a "pas de politique industrielle, a transformé l'Italie en un grand supermarché" pour les groupes étrangers, a dénoncé Maurizio Zipponi, un de ses responsables.