
Le fondateur de l'établissement de microcrédit Grameen Bank, Muhammad Yunus, a dénoncé lundi une intervention "absurde" du gouvernement du Bangladesh pour le déloger de son poste de directeur général.
"C'est une situation tout à fait absurde", a affirmé M. Yunus lors d'une conférence de presse consacrée à la micro-finance à Washington, où il s'exprimait en vidéoconférence depuis Dacca.
M. Yunus, 70 ans, a été interdit d'occuper son poste mercredi par la banque centrale du pays, au motif qu'il a dépassé depuis 2000 l'âge limite de 60 ans pour les salariés de son entreprise. La banque affirme avoir institué une exception pour son directeur général dès 1999.
M. Yunus a expliqué que dans la mesure où l'Etat avait trois représentants au conseil d'administration et 25% des parts de Grameen Bank, le motif lui paraissait mensonger.
"Cela n'a aucun sens", a-t-il déploré. "Nous sommes très transparents. Nous donnons toutes nos informations très régulièrement".
"En plus de cela, l'Etat est un actionnaire de cette société [...] L'Etat est représenté au conseil d'administration. Et son président est un représentant du gouvernement [...] Donc il n'y a rien que nous ne puissions faire sans que le gouvernement soit au courant", a-t-il expliqué.
M. Yunus avait dans un premier temps prévu de venir à cette conférence de presse à Washington, mais a expliqué y avoir renoncé afin de participer à la procédure judiciaire en cours pour contester son éviction.
La Haute cour de Dacca a tenu une audience lundi sur cette affaire, où ses avocats ont dénoncé "une attaque personnelle" sans fondement juridique.
"Les choses vont dans la mauvaise direction ici au Bangladesh, donc j'ai dû rester", a indiqué M. Yunus. Interrogé pour savoir s'il était interdit de quitter le pays ou s'il craignait d'être refoulé s'il le quittait, il a répondu que non, il était libre de ses mouvements.
Prix Nobel de la paix en 2006, Muhammad Yunus a contesté avoir une quelconque ambition politique ou électorale. "Je ne suis pas politicien, pas impliqué en politique. Je ne pense pas que les gens me prendraient au sérieux comme homme politique", a-t-il affirmé.
M. Yunus avait lancé l'idée de former un parti politique début 2007, dénonçant une classe dirigeante intéressée par "l'argent et le pouvoir", mais y avait renoncé au bout de quelques mois.
Interrogé sur les raisons pour lesquelles le gouvernement voudrait l'évincer, M. Yunus a prêté au pouvoir l'intention de prendre le contrôle de Grameen Bank dans son ensemble.
"Nous gardions mutuellement nos distances", mais "soudain cela a changé", a-t-il souligné. "Le gouvernement veut aujourd'hui prendre le contrôle du conseil d'administration de la banque pour qu'elle soit complètement à sa disposition".
"Ils voient beaucoup d'avantages politiques à cela", a déclaré le fondateur de la banque.
"Ils veulent placer leur propre homme à la tête de la banque, un homme politique. Et nous essayons constamment de laisser la politique en dehors de la banque. C'est une tension importante", a-t-il constaté.