Les dépôts sur le Livret A ont atteint en janvier leur plus haut niveau depuis deux ans, confirmant l'intérêt des Français pour ce produit qui a bénéficié le 1er février d'un relèvement de son taux à 2%, dans une période où l'épargne reprend le pas sur la consommation.
Le rebond de la collecte nette (dépôts moins retraits), à 3,76 milliards d'euros, rappelle celui qui avait suivi la précédente hausse du taux de rémunération, début août. Après un an passé à 1,25%, le plus bas niveau de son histoire, il était alors remonté à 1,75%.
Pour Laetitia Gabaut, économiste de l'Observatoire de l'épargne européenne (OEE), la perspective d'une nouvelle hausse à 2% début février a joué, même si l'accélération conjointe de l'inflation a quasiment annulé l'effet de ce relèvement.
"Les gens sont sensibles au taux annoncé et peu au taux réel", c'est à dire le taux une fois déduite l'inflation, estime-t-elle.
En tête des banques avec 1,6 million d'ouvertures en 2010, le Crédit Agricole a enregistré 129.048 livrets supplémentaires en janvier, et une progression des dépôts de 820 millions d'euros.
Depuis décembre 2008 et l'ouverture de sa distribution à l'ensemble des banques, le total des dépôts du Livret A a augmenté de 34,1 milliards d'euros et frôle maintenant les 200 milliards.
Outre la hausse du taux, ce nouveau bond du Livret A pourrait être lié à un regain de pessimisme des épargnants français, selon Jean-Christophe Caffet, économiste de Natixis.
Le moral des ménages français, qui avait replongé en décembre après trois mois d'amélioration, s'est encore un peu dégradé en janvier, sous l'effet du retour de l'inflation et de la persistance du chômage, selon les économistes.
Même si M. Caffet estime qu'il est trop tôt pour tirer des conclusions, cette ruée vers le Livret A concrétiserait les prévisions de la plupart des économistes, qui tablaient sur une année 2011 où la consommation cèderait le pas à l'épargne.
Initialement, beaucoup prévoyaient un ralentissement de l'inflation après le premier trimestre, impulsé par un net repli du prix du pétrole. Mais les tensions qui agitent actuellement le monde arabe font flamber les cours et ce scénario a perdu du terrain.
"Nous avions à peu près tous des hypothèses assez conservatrices sur les matières premières et nous allons les revoir à la hausse", explique M. Caffet.
Partant, les prévisions d'inflation devraient également être relevées, ce qui pourrait profiter au taux du Livret A. M. Caffet n'exclut pas de passer à 2%, "voire un peu plus", ce qui porterait le rendement du Livret de 2% à 2,25%, voire au-delà.
Cette dynamique favorable du Livret A contraste avec celle de son vieux rival, l'assurance vie, qui a de nouveau vu ses taux baisser nettement en 2010, et 2011 n'annonce pas de grand changement.
Elle intervient aussi alors que le gouvernement a choisi de baisser la rémunération des banques pour les fonds du Livret A qu'elles cèdent à la Caisse des dépôts (CDC). Amenées également à augmenter la part des dépôts qu'elles reversent à la CDC, les banques auront donc moins d'incitations à distribuer ce produit.
"Le déterminant fondamental de la collecte, c'est le taux", avait tempéré, mi-janvier, le président de la Fédération bancaire française (FBF) François Pérol lors de son audition devant la commission des Finances, balayant le risque que les banques lèvent le pied.