Le gouvernement britannique a conclu mercredi un accord global avec les grandes banques du pays, qui ont réussi à limiter les concessions sur le sujet hypersensible des bonus en échange d'une augmentation de leurs prêts aux entreprises pour aider une économie vacillante.
Cet accord, divulgué après des semaines de négociations baptisées "Projet Merlin", a été aussitôt dénoncé par l'opposition travailliste et les syndicats comme une capitulation face aux banques, tandis que deux d'entre elles révélaient que leur patron allait toucher de grosses primes.
Le ministre des Finances George Osborne a annoncé devant la chambre des Communes que les principales banques du pays s'étaient engagées à prêter globalement 190 milliards de livres (environ 225 milliards d'euros) en 2011 aux entreprises du pays pour soutenir la croissance, soit environ 6% de plus qu'en 2010.
Elles vont également, "dans un souci de transparence", rendre publiques les rémunérations de leurs sept principaux dirigeants et ont promis que le montant global de leurs bonus sera "inférieur" à l'an passé, a affirmé M. Osborne.
Le gouvernement n'a toutefois pas imposé de plafond individuel aux bonus. Et la transparence sur ces primes ne concerne pas les courtiers ou les employés vedettes des banques dont certains, très courtisés par la concurrence, peuvent être mieux payés que le directeur général.
M. Osborne a en revanche négocié des engagements spécifiques avec les deux grands établissements en partie nationalisés durant la crise financière, Royal Bank of Scotland (RBS) et Lloyds Banking Group (LBG), dont le renflouement a coûté des dizaines de milliards de livres aux contribuables britanniques.
Elles ne paieront cette année aucune prime en numéraire dépassant 2.000 livres (environ 2.300 euros), et les bonus de leurs dirigeants seront composés entièrement d'actions.
Ce qui n'empêchera pas de confortables gratifications: dans la foulée des annonces de M. Osborne, RBS et LBG ont indiqué que leur patron allait chacun recevoir l'équivalent de près de deux millions d'euros en actions. Tous deux avaient renoncé à leur bonus en 2009.
Un porte-parole de LBG a assuré que son directeur général aurait pu prétendre à plus et que la banque avait fait preuve "de retenue pour tenir compte de l'environnement".
Le gouvernement conservateur-libéral démocrate espère que cet accord calmera la polémique sur les bonus des banquiers, récurrente depuis la crise financière de 2008 mais qui a pris une ampleur particulière après l'annonce cet automne d'un plan de rigueur sans précédent destiné à combler le déficit public.
M. Osborne, dont le parti conservateur est financé en grande partie par le secteur financier, a redit mercredi comprendre la colère de l'opinion sur "les terribles erreurs" commises par la City.
"Mais la colère et les représailles n'amèneront pas le moindre pourcentage de croissance à notre économie", a-t-il plaidé.
Le responsable travailliste en charge de l'économie, Ed Balls, a fustigé l'"accord pitoyable" conclu par le gouvernement, qu'il a qualifié de "recul embarrassant" par rapport aux promesses électorales des conservateurs.
"Les dirigeants des banques vont bien dormir ce soir, en sachant que leurs gros bonus continueront de leur être payés afin de ne pas menacer leur vie de nabab", a lancé de son côté Len McCluskey, secrétaire général de Unite, le premier syndicat du pays.
Selon la presse, M. Osborne s'attendait à une telle levée de boucliers et avait tenté de préparer le terrain en annonçant mardi le relèvement d'une nouvelle taxe imposée aux banques pour aider à combler le déficit.