Le département du Trésor américain a maintenu vendredi ses appels à une réévaluation plus rapide du yuan tout en se gardant de marquer Pékin du sceau de la manipulation de monnaie, accusation qui aurait permis au Congrès d'engager des mesures de rétorsion contre la Chine.
"Tout indique que le renminbi (l'autre nom du yuan, NDLR) reste considérablement sous-évalué", écrit le ministère dans son rapport semestriel sur les changes destiné au Congrès et publié avec près de quatre mois de retard.
Notant que les autorités de Pékin ont décidé en juin de desserrer leur étau sur le yuan et qu'elles se sont engagées à poursuivre le processus de libéralisation du taux de change de leur monnaie, le Trésor estime que la Chine "ne remplit pas les critères définis" par le Congrès pour être accusée de manipulation de sa monnaie.
Le rapport du Trésor était dû pour le 15 octobre mais le ministère avait décidé d'en reporter la publication afin de ne pas froisser Pékin, qui ne supporte pas les appels incessants des Etats-Unis à hâter le processus d'appréciation du yuan.
Le Trésor note néanmoins que les progrès accomplis par les Chinois "ont été jusqu'ici insuffisants et qu'il doivent s'accélérer".
Sur la question du yuan, le gouvernement de Barack Obama a choisi de faire pression au maximum sur la Chine sans employer les grands mots qui fâchent, au risque de braquer des élus du Congrès souvent prompts à accuser Pékin d'être responsable de tous les maux de l'économie américaine.
Washington rappelle ainsi régulièrement à la Chine qu'elle s'est engagée auprès de ses partenaires du Groupe des Vingt à laisser sa monnaie s'apprécier.
Selon le Trésor, le yuan s'est apprécié de 3,7% par rapport au dollar entre la mi-juin et le 27 janvier.
Si l'on tient compte du différentiel d'inflation entre les Etats-Unis et la Chine, le yuan s'est apprécié plus rapidement, "à un rythme qui, s'il était maintenu, atteindrait plus de 10% par an", ajoute le rapport. "Avec le temps", les différentes mesures prises par la Chine "mèneront à un taux de change davantage déterminé par les forces du marché".
La réaction des élus ne s'est pas fait attendre. Le Trésor "confirme l'évidence en même temps qu'il l'ignore: la hausse du yuan est totalement inappropriée, et ce n'est pas un accident", a estimé le sénateur démocrate Sherrod Brown.
Gouvernement et élus américains s'entendent cependant pour accuser la Chine d'être responsable de leur déficit commercial colossal du fait de la faiblesse du yuan, qui favorise ses produits à l'exportation.
La Chine, pour qui l'appréciation du yuan doit s'envisager comme un processus à long terme, accuse elle les Etats-Unis d'avoir perverti le système monétaire international actuel, et conteste la prééminence du dollar.
Mécaniquement, les énormes réserves de changes en dollars accumulées par la Chine, premier bailleur de fonds de l'Etat fédéral américain, voient leur valeur baisser quand le yuan remonte.
Malgré leurs imprécations récurrentes et réciproques, Washington et Pékin ont progressé récemment sur la question.
A l'occasion de la visite du président chinois Hu Jintao en Amérique en janvier, Washington a affiché son soutien aux efforts de la Chine destinés à faire du yuan une monnaie de réserve internationale.
Un tel scénario serait dans l'intérêt des deux pays puisqu'il impliquerait la convertibilité totale du yuan voulue par les Américains et permettrait aux Chinois de se retrouver moins dépendants du dollar.