La France s'attend à mener une "rude bataille" pour tenter de poser cette année, à l'occasion de sa présidence du G20, les premiers jalons d'une taxe sur les transactions financières, nouvel avatar de la taxe Tobin chère aux altermondialistes.
Pour Paris, il n'existe aucun autre moyen crédible d'aider les pays pauvres et de financer le fragile accord obtenu en 2009 au sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique, alors que les finances publiques américaines ou européennes sont dans le rouge.
Lundi, le président Nicolas Sarkozy qui présentait les grands axes de sa présidence du G20, un club qui réunit les principaux pays riches et émergents de la planète, en a fait l'une de ses priorités.
La France, a-t-il plaidé, considère cette taxe non seulement comme "morale" alors que les gouvernements ont volé au secours des banques pendant la crise financière mais aussi "utile pour dissuader la spéculation et efficace pour trouver de nouvelles ressources pour le développement".
Le chef de l'Etat ne se fait cependant guère d'illusions. "Je sais bien que cette taxe a de grands ennemis, de grands adversaires sur son chemin", a-t-il concédé.
Sa ministre des Finances Christine Lagarde est sur la même ligne. "Ce sera vraiment une rude bataille car de nombreux pays y sont opposés, à commencer par les Etats-Unis", a-t-elle souligné mardi devant un parterre de diplomates.
Si Nicolas Sarkozy compte sur la solidarité du Japon ou de l'Allemagne, le camp du refus est mobilisé aussi. Christine Lagarde a reconnu mardi qu'outre les Etats-Unis, le Mexique n'était pas davantage enthousiasmé par cette idée. Problème: Mexico succèdera à Paris à la tête du G20 en 2012.
La France entend donc avancer à pas comptés, sans brusquer personne.
L'objectif est "d'entamer un processus", de "convaincre un noyau dur" de pays, rien de plus, a voulu rassurer la ministre.
A l'Elysée, on invoque les belles promesses de Copenhague quand les pays développés s'étaient engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an contre le réchauffement climatique. "Soit ils ont menti, et dans ce cas il faut le dire, soit il faut trouver d'autres sources de financement", observe-t-on.
En pratique, estime Christine Lagarde, le mot d'ordre doit être: "petit taux, grande assiette". La ministre a ainsi évoqué l'idée d'une taxe de l'ordre de "0,01%" sur les transactions de change, qui suffirait à générer une manne gigantesque.
Mais la France reste ouverte à d'autres idées. Le chef de l'Etat a évoqué "un panier de financements innovants" sur les conteneurs, les cigarettes ou les communications...
Chiche, ont répondu en substance les altermondialistes d'Attac qui militent depuis toujours pour cette taxe "non seulement possible, mais indispensable" et appellent le gouvernement français à passer aux actes.
Même son de cloche du côté de d'Oxfam France qui a salué l'engagement français mais attend des "propositions concrètes". Une taxe de 0,05% sur les transactions financières "pourrait générer 400 milliards de dollars par an", souligne l'ONG de lutte contre la pauvreté.
Professeur d'économie à la Sorbonne, Gunther Capelle-Blancard se montre réservé sur les chances de succès français. "Il aurait été plus facile d'obtenir quelque chose des banques en 2008 et 2009, au coeur de la crise, quand elles ont bénéficié d'un soutien sans faille des gouvernements", remarque-t-il.
Et s'il juge qu'un taux de 0,01% serait "trop faible pour infléchir les comportements" spéculatifs, il loue un "outil fiscal quasiment indolore". Et "c'est pour ça qu'il serait bon".