Le chef de l'Etat Nicolas Sarkozy a agité lundi le spectre de nouvelles "émeutes de la faim" pour convaincre le G20, dont la France assure cette année la présidence, de combattre la spéculation sur les marchés agricoles.
"Si nous ne faisons rien, nous risquons des émeutes de la faim dans les pays les plus pauvres", a-t-il lancé, en présentant les priorités de la France pour le groupe des principaux pays riches et émergents.
Paris a plaidé plusieurs fois ces derniers mois, au sein de l'Union européenne (UE) puis du G20, pour une lutte accrue contre la volatilité des prix des matières premières.
Il n'y a pas de consensus parmi les experts sur le lien entre spéculation et mouvements en "yo-yo" des cours du pétrole et des denrées alimentaires. Une analyse en cours de préparation par la Commission européenne conclut d'ailleurs qu'"aucun élément probant" n'étaye cette thèse.
Mais les autorités françaises, qui ont critiqué lundi cette analyse, affirment le contraire. Nicolas Sarkozy a résumé cette conviction d'une formule lapidaire: "La spéculation crée les émeutes de la faim".
Selon lui, cette situation porte les germes "d'une explosion fantastique dans des pays (...) où on n'a pas de quoi se nourrir". Le risque est d'autant plus aigu, a-t-il argumenté, que les prix des matières premières agricoles ont dépassé fin 2010 "les pics atteints en 2008", "l'année des émeutes de la faim".
Lors d'un exposé ponctué de statistiques, le nouveau président du G20 a rappelé qu'il faudrait "une hausse de 70% de la production agricole mondiale d'ici à 2050 pour nourrir" la planète.
Autant de raisons, à ses yeux, de mettre ce "sujet profondément quotidien" à l'ordre du jour pour "reconnecter les opinions publiques et le G20". La France avance quelques solutions.
D'abord, "développer l'offre agricole".
L'ONG Oxfam a salué cette volonté, mais jugé préférable de "relancer la production vivrière dans les pays du Sud" plutôt que de perpétuer "le modèle exportateur où l'Europe et les Etats-Unis cherchent à nourrir la planète sans tenir compte des réalités des pays pauvres".
Ensuite, "nous devons améliorer la transparence", a expliqué Nicolas Sarkozy: pour faire des prévisions, il faut connaître l'état des stocks de denrées, et les perspectives de production et consommation.
"Afin de prévenir les crises alimentaires", la France propose donc "de créer une base de données communes" comme pour le pétrole, des "stocks d'urgence" ou encore un "code de bonne conduite" pour que l'aide alimentaire ne soit pas concernée par les moratoires sur les exportations instaurés par tel ou tel pays - comme la Russie avec le blé, l'été dernier.
Enfin, le président français a martelé sa volonté de "réguler" les marchés financiers liés aux matières premières, comparés à "une foire d'empoigne". Et notamment les fameux "produits dérivés" qui font office d'assurance pour les investisseurs mais ont tendance, selon des économistes, à devenir des instruments de la spéculation.
"N'importe qui peut acheter n'importe quelle quantité, sans d'ailleurs la payer, la revendre n'importe comment au moment où il le souhaite, empocher la plus-value sans être obligé (...) d'avoir bloqué une partie de la somme engagée", a-t-il lancé.
La France espère parvenir cette année à un accord au sein du G20 obligeant tout acheteur de matières premières à "bloquer une partie" du prix d'achat, comme une sorte de dépôt de garantie.
De source gouvernementale, on assure que les Etats-Unis ont déjà bien avancé sur cette régulation et peuvent inspirer le G20. Et Nicolas Sarkozy a annoncé que son homologue russe Dimitri Medvedev avait accepté "de s'investir" sur ces sujets.