
Le PDG de Renault Carlos Ghosn s'est expliqué pour la première fois dimanche dans l'affaire d'espionnage industriel qui touche son groupe, semblant convaincre le ministre de l'Industrie Eric Besson, mais pas les avocats des cadres soupçonnés qui réclament des preuves.
M. Ghosn s'est justifié, dans un entretien au Journal du dimanche et sur TF1, sur les six mois pris par la direction de Renault pour informer le gouvernement de cette affaire d'espionnage industriel qui a déclenché la colère de Pékin, la Chine ayant été citée dans la presse.
"Il fallait faire nous-mêmes des premières recherches pour nous forger une opinion sur la gravité de l'affaire", assure M. Ghosn, précisant qu'il avait "suivi personnellement l'avancement de ce processus au fur et à mesure". Renault a lancé une enquête interne en août 2010 après l'envoi d'une lettre anonyme, mais n'a prévenu les autorités que début janvier.
Se refusant à confirmer que Renault avait employé des détectives privés comme évoqué par des sources proches du dossier, M. Ghosn affirme que Renault a été "irréprochable par rapport à la loi".
C'est la première fois que M. Ghosn s'expliquait publiquement sur cette affaire qui comporte de nombreuses zones d'ombre. Le ministre de l'Industrie Eric Besson, qui avait fait part de sa colère mi-janvier de n'avoir été prévenu que tardivement par Renault, a semblé vouloir passer l'éponge.
"Pour que les choses soient très très claires, j'ai dit ma façon de penser à Renault (...) mais je ne jette pas le bébé Renault avec l'eau du bain", a affirmé M. Besson sur Radio J.
"Je veux soutenir cette filière très très importante du véhicule électrique et je veux travailler main dans la main avec Renault", a-t-il ajouté.
Il a une nouvelle fois souligné que Renault, dont l'Etat est actionnaire à hauteur de 15%, "est une entreprise phare, très importante, qui investit lourdement avec l'aide de l'Etat en faveur du véhicule électrique, un marché qui va croître énormément et que nous devons accompagner".
Le véhicule électrique est un enjeu colossal pour Renault qui y a investi quatre milliards d'euros dans le projet avec son allié japonais Nissan.
"Nous sommes en plein dans l'offensive et nous ne voulons pas être une cible molle", a expliqué M. Ghosn sur TF1. Interrogé sur une éventuelle "tentative de déstabilisation extérieure", il a dit s'en remettre aux enquêteurs.
Quant aux preuves réclamées par des avocats des trois cadres soupçonnés et licenciés par le groupe, M. Ghosn a répondu que Renault avait "des certitudes".
"Sans preuve formelle, cette affaire n'est jusqu'à présent qu'une formidable campagne de communication au bénéfice de Renault pour faire passer le message que le groupe français est le numéro un de la voiture électrique dans le monde", a pour sa part dénoncé auprès de l'AFP Me Pierre-Olivier Sur, avocat de Michel Balthazard.
Selon lui, Carlos Ghosn fait même "un pas en arrière en terme de charges" contre son client car Renault ne parle plus de divulgation de "secret industriel mais de secret sur le modèle économique, ce qui est moins grave".
Mêmes doutes chez les avocats de Bertrand Rochette: "Je m'interroge sur l'existence de ces preuves. Ils ont licencié mon client sur la foi de convictions. (...) J'ose espérer que les éléments dans la plainte justifient le licenciement", a affirmé à l'AFP Me Marie-Sophie Rozenberg, rappelant que le contenu de la plainte n'avait toujours pas été transmis aux avocats.
Renault a déposé plainte contre X le 13 janvier pour "fourniture d'éléments intéressant le secret économique français à une puissance étrangère" et a licencié trois cadres. Ces derniers nient en bloc et ont porté plainte pour "dénonciation calomnieuse" ou "diffamation non publique".