
Le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank, a comparu mardi devant un tribunal du Bangladesh pour une affaire de diffamation datant de 2007 qui complique encore la situation juridique du pionnier de la microfinance dans son propre pays.
La semaine dernière, le gouvernement a ordonné une enquête sur les pratiques financières de la Grameen Bank, une organisation de micro-crédit dont il est le fondateur et qui partagea avec lui le prix Nobel de la paix en 2006, signe de frictions persistantes entre lui et la Première ministre Sheikh Hasina.
Mme Hasina, qui accuse l'organisation de micro-crédit de "sucer le sang des pauvres", s'était pour la première fois opposée au "banquier des pauvres" en 2007, lorsque ce dernier créa son propre parti politique, qui fit long feu.
La même année, Muhammad Yunus avait donné un entretien à l'AFP au cours duquel il avait déclaré que la politique au Bangladesh était simplement une affaire de "pouvoir pour faire de l'argent", ce qui lui valut une plainte pour diffamation déposée en janvier 2007 par un membre d'un petit parti de gauche.
L'affaire était depuis en sommeil mais M. Yunus a été convoqué mardi devant un tribunal à une centaine de kilomètres au nord de la capitale Dacca. Il a comparu pendant une dizaine de minutes.
"J'ai comparu aujourd'hui devant un tribunal en réponse à une convocation", a déclaré à l'AFP M. Yunus, 70 ans, dans un message électronique. "Les tribunaux sont ici pour rendre justice et j'attends que cette affaire soit bientôt résolue", a-t-il ajouté.

Interrogé pour savoir s'il avait aujourd'hui pris ses distances avec ses propos de 2007, il a simplement répondu que "depuis que l'affaire est devant les tribunaux, il n'est pas approprié de faire de commentaires".
Le tribunal a décidé sa mise en liberté provisoire.
"Ses avocats ont plaidé qu'il était une personnalité majeure et donc qu'il était impossible pour lui de comparaître devant la justice tous les jours", a déclaré à l'AFP un membre du tribunal, Shahid Shoqrana.
"Le tribunal a autorisé à ce qu'une personne désignée comparaisse en son nom", a-t-il ajouté, précisant que la prochaine audience était fixée au 20 février.
Selon l'avocat de M. Yunus, A.H.M. Khalequzzamn, les propos de son client n'étaient pas suffisamment forts pour être interprétés comme de la diffamation.
"Il s'agissait de commentaires généraux qui ne visaient personne en particulier, donc nous avons argumenté qu'ils ne pouvaient pas tomber sous le coup de la diffamation", a-t-il expliqué à l'AFP.
"Cette affaire est une manière de harcèlement contre mon client. Mais M. Yunus a l'intention de faire appel auprès de la Haute cour pour annuler l'affaire", a-t-il dit.
L'auteur de la plainte est un membre sans grande responsabilité du parti Jatiya Samagtantrik Dal, allié au parti de la chef du gouvernement, l'Awami Leage.
"Il a fallu des années pour aller en justice parce que les procédures judiciaires prennent du temps au Bangladesh", a déclaré à l'AFP l'avocat de l'accusation Abul Kalam Mohammad Azad.
Selon la police, plus de 500 personnes s'étaient rassemblées devant le tribunal de Memensigh, attirées par l'identité de l'accusé, une figure très populaire dans les régions rurales du Bangladesh.
Muhammad Yunus a fondé en 1976 la Grameen Bank pour financer les projets de villageoises bangladaises n'ayant pas accès aux crédits bancaire habituels.
De récents scandales en Inde ont montré que le micro-crédit a pu être détourné de son but pour s'apparenter dans certaines banques à un crédit à la consommation ruineux dont certains bénéficiaires se sont suicidés, une dérive condamnée par M. Yunus.