Le géant britannique BP et le groupe russe Rosneft ont conclu un accord sans précédent pour l'exploitation du pétrole de l'Arctique, qualifié d'"historique" par les deux partenaires mais qui a suscité des inquiétudes immédiates, notamment des défenseurs de l'environnement.
Cette alliance stratégique, annoncée vendredi soir, peut être considérée comme la première vraie bonne nouvelle pour BP depuis l'explosion en avril de la plateforme Deepwater Horizon et la marée noire du golfe du Mexique, dont les conséquences ont un temps menacé sa survie.
Elle prévoit une coopération entre BP et le groupe public Rosneft, premier producteur d'hydrocarbures de Russie, pour prospecter et exploiter une immense zone de 125.000 km2 qui pourrait receler cinq milliards de tonnes de pétrole et 3.000 milliards de mètres cubes de gaz.
Les défenseurs de l'environnement ont rapidement fait connaître leur colère. "BP est la dernière entreprise qui devrait opérer dans ce secteur", s'est indignée samedi l'organisation écologiste Greenpeace, en affirmant que "l'Arctique est l'espace le plus fragile dans le monde pour y faire de l'exploration pétrolière".
"Toute compagnie qui effectue des forages dans cette zone ne peut prétendre se comporter de manière responsable sur le plan environnemental", a ajouté un porte-parole, selon lequel "une marée noire dans les eaux froides de l'Arctique aurait des conséquences catastrophiques et serait très difficile à juguler".
Conscient que cette critique ne manquerait pas de viser BP, son directeur général Bob Dudley a assuré vendredi soir que son groupe "avait tiré de nombreuses leçons" de la catastrophe aux Etats-Unis pour ses futurs forages en zone sensible.
"Une des conséquences inattendues de la marée noire du golfe du Mexique est qu'elle a augmenté les perspectives de forages dans une des régions du monde les plus fragiles au niveau de l'environnement", notait samedi le Financial Times en commentant l'accord BP-Rosneft.
Cet accord, directement scellé entre le Premier ministre russe Vladimir Poutine et M. Dudley, prévoit un échange de participations croisées entre les deux compagnies. Rosneft détiendra ainsi 5% du capital de BP, et BP 9,5% de celui de Rosneft.
Les avantages pour le britannique semblent clairs: il peut aller de l'avant en se repositionnant dans la course aux réserves de brut que se livrent les grandes compagnies, tout en diminuant sa dépendance aux Etats-Unis où sa cote reste au plus bas mais où il réalise plus du quart de ses activités.
En outre, l'échange de participations permettra à BP de ne rien débourser, alors qu'il cherche toujours à réunir les milliards de dollars nécessaires pour payer la facture colossale de la marée noire, dont le montant final ne sera pas connu avant des années.
De son côté, Rosneft prend une part non négligeable d'un grand groupe occidental, espérant bénéficier d'une technologie et d'une expertise qu'il ne possède pas.
Un influent parlementaire américain, le démocrate Ed Markey, s'est insurgé de ce nouveau pouvoir: "BP signifiait autrefois British Petroleum. Avec cet accord, cela veut désormais dire Bolshoï Petroleum".
"Beaucoup penseront que le gouvernement russe prend 5% d'une compagnie qui possède des réserves stratégiques de pétrole partout dans le monde, y compris aux Etats-Unis", a relevé la radioûtélévision britannique BBC.
Le président de BP, Carl-Henric Svanberg, a tenté de calmer les inquiétudes en expliquant samedi qu'il s'agissait d'un projet à long terme et que les premiers barils issus de cette coopération controversée ne devraient pas arriver sur le marché avant les années 2020.