
La Banque centrale européenne (BCE) a gardé jeudi son principal taux d'intérêt à 1% tout en laissant entendre que cette situation pourrait ne pas durer à cause du pic d'inflation enregistré en décembre, qui risque de s'accentuer dans les mois à venir.
Le taux directeur de la BCE est fixé à ce niveau historiquement bas depuis mai 2009, pour tenter de compenser les distorsions observées sur les marchés financiers, et les analystes tablaient sur un maintien à ce niveau pour encore de longs mois.
Mais la hausse de 2,2% des prix en décembre dans la zone euro, soit au-delà de l'objectif de moyen terme de la BCE qui est de les maintenir en dessous mais proche de 2%, pourrait changer la donne.
"Il est clair que nous ferons toujours tout ce qui est nécessaire pour préserver la stabilité des prix", a déclaré le président de la BCE Jean-Claude Trichet à l'issue de la réunion du conseil des gouverneurs à Francfort (ouest), se montrant soucieux que la tendance de court terme observée rejaillisse sur le moyen terme.
Avant de signifier que la BCE ne s'engageait "jamais à l'avance sur les taux d'intérêt, qui sont destinés à garantir la stabilité des prix".
"La rencontre d'aujourd'hui indique clairement que la BCE revient à sa priorité et que l'inflation sera le premier de ses soucis en 2011", commente Carsten Brzeski, d'ING.
Mais "à ce stade, une hausse du taux pourrait faire davantage de mal que de bien", juge l'analyste, pour qui les pays "périphériques" de la zone, à savoir ceux en crise, "sont encore trop faibles pour encaisser des taux plus élevés, que la crise de la dette souveraine est loin d'être finie et qu'une hausse du taux n'empêchera pas les prix des matières premières d'augmenter".
Un avis partagé par son confrère Jörg Krämer, chef économiste chez Commerzbank. Selon lui les déclarations de M. Trichet ne signifient pas que la BCE va augmenter ses taux dès cette année parce que "la zone euro se trouve dans sa crise la plus profonde depuis l'introduction de l'euro".
La marge de manoeuvre de la BCE, principal "pompier" face à la crise de la dette publique selon M. Brzeski, se resserre toutefois.
M. Trichet a d'ailleurs une nouvelle fois renouvelé son appel aux responsables européens d'"améliorer l'efficacité du fonds" de soutien européen destiné à venir en aide aux pays les plus fragiles, "tant sur le plan quantitatif que qualitatif".
Mercredi, face au risque persistant de voir la crise de la dette s'étendre, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso avait exhorté les dirigeants européens à décider sans tarder d'augmenter les ressources de ce dispositif d'aide de 440 milliards d'euros mis en place au printemps 2010.
Mais cet appel continue de se heurter à l'opposition de l'Allemagne et la France notamment, ses deux principaux contributeurs. Tout en refusant d'entendre parler d'élargissement, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a toutefois estimé jeudi que la capacité effective du Fonds pourrait devoir être augmentée.
Interrogé sur le programme de rachat d'obligations publiques lancé par la BCE en mai 2010, en pleine crise de la dette grecque, M. Trichet s'est contenté de répondre qu'il allait se poursuivre.
Il ne s'est guère étendu non plus sur la dépendance des banques des pays en crise aux prêts de la BCE.
M. Trichet a par ailleurs affiché un optimisme prudent sur la croissance en zone euro pour cette année. Elle devrait rester "positive", mais entourée d'"incertitudes élevées", selon lui.
Mais alors que que nombre d'observateurs craignent que les inégalités de croissance ne se creusent encore davantage entre pays, il a au contraire prédit "une baisse progressive" des divergences en 2011.