Le Portugal a réussi mercredi à placer près d'1,25 milliard d'euros de dette, passant avec succès son premier test de l'année sur les marchés, mais le répit pourrait n'être que provisoire, avertissent les analystes.
Contrairement aux prévisions, le Portugal a bénéficié d'une très forte demande et a même obtenu des taux en baisse pour les obligations à échéance juin 2020, à 6,716% contre 6,806% lors d'une opération similaire en novembre dernier.
"Une des conclusions à tirer du succès de cette opération est que le Portugal est en conditions d'aller (se financer) sur les marchés, qu'il y a une demande et qu'il obtient des prix qui sont acceptables, et même favorables vu le contexte", a réagi le ministre des Finances Fernando Teixeira dos Santos.
"Face à cela, le recours à une aide extérieure n'est pas nécessaire", a-t-il réaffirmé, alors que la pression s'était accentuée ces derniers jours sur le gouvernement portugais pour qu'il accepte de solliciter une aide extérieure, à l'image de la Grèce et l'Irlande, afin d'éviter une contagion à des pays plus importants de la zone euro, comme l'Espagne ou l'Italie.
Malgré l'optimisme affiché par Lisbonne, la réaction sur les marchés était mitigée, l'euro retombant sous le seuil de 1,30 dollar après l'adjudication, tandis que sur les marchés obligataires, la détente restait encore limitée, les taux portugais à dix ans fléchissant à 6,800% à 13H30 GMT contre 6,900% mardi à la clôture.
Cette émission obligataire était très attendue en raison des craintes grandissantes sur la solvabilité du Portugal, illustrées par la hausse des taux d'intérêt à dix ans qui avaient battu vendredi un record historique, à 7,193%, un taux jugé "insoutenable" par les économistes.
"L'émission s'est bien passée et constitue une bonne nouvelle. On s'attendait pour l'émission à échéance 2020 à des taux autour des 7%", a déclaré à l'AFP Cristina Casalinho, analyste à la banque BPI.
Toutefois, a-t-elle souligné, "les interrogations sont nombreuses, et ce n'est pas une adjudication qui retire toute les incertitudes concernant l'économie portugaise cette année, surtout dans les premiers mois, car le programme de refinancement est très chargé".
Pour Paolo Pizzoli, économiste du groupe ING, "cette émission montre que, pour l'instant, le Portugal est encore capable de se financer sur les marchés". Mais, souligne-t-il, "d'autres tests sont encore à venir".
Pour 2011, le Portugal a chiffré ses besoins de financement net à 20 milliards d'euros, sans compter les 26,5 milliards d'euros de dettes arrivant à échéance cette année.
Filipe Silva, stratégiste obligataire à la banque Carregosa, estime pour sa part que, même si la baisse des taux longs constitue "une bonne surprise", les taux exigés restent "insupportables compte tenu du potentiel de croissance de l'économie portugaise". "A long terme, la situation n'est pas tenable", affirme-t-il.
Mardi, la banque du Portugal a revu à la baisse ses estimations de croissance, prévoyant un recul du PIB de 1,3% en 2011, ce qui a renforcé les doutes des économistes sur la capacité du gouvernement à ramener le déficit public à 4,6% du PIB, comme il s'y est engagé.
"Une émission réussie ne change pas la donne, les problèmes vont continuer et il y a encore beaucoup de dette à placer au cours des prochaines semaines", considère David Schnautz de la Commerzbank
Signe de l'inquiétude persistante, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a appelé mercredi les pays de l'UE à augmenter rapidement les ressources du Fonds de secours de la zone euro.
"Nous vivons toujours une période d'instabilité", a justifié l'ancien Premier ministre portugais, qui a jugé "important d'envoyer des signaux forts et de prendre des décisions fortes afin de montrer notre détermination à préserver la stabilité de la zone euro".