
Les revenus des agriculteurs français, qui avaient lourdement chuté l'an passé, ont rebondi de 66% en 2010 mais cette embellie, liée en grande partie à l'envolée du prix des céréales, ne rattrape pas le retard accumulé et masque de fortes disparités selon les productions.
Le revenu annuel moyen, qui comprend les aides européennes et françaises perçues par les exploitations, a progressé de près de 10.000 euros pour s'établir à 24.400 euros, se rapprochant du record de 28.500 de 2007, selon des données obtenues auprès du ministère de l'Agriculture.
"Pour tous les agriculteurs de France, c'est d'abord un rattrapage" après la crise "épouvantable" qu'ils ont connu en 2009, a reconnu le ministre, Bruno Le Maire, se refusant pour autant à tout "triomphalisme".
"Beaucoup d'agriculteurs vont tomber de leur chaise quand ils vont voir ces chiffres", a réagi le tout nouveau président élu jeudi de la FNSEA, Xavier Beulin, soulignant qu'"en moyenne, le revenu agricole a baissé depuis cinq ans de cinq pour cent chaque année".
Après avoir baissé de 46% entre 2007 et 2009, le résultat courant avant impôt des exploitations s'est fortement redressé en 2010, mais reste inférieur à son niveau de 2007, selon les comptes prévisionnels de l'Agriculture publiés par le ministère et l'Insee jeudi.
L'année 2010 a été marquée par la flambée des cours mondiaux des céréales, liée notamment à l'embargo décrété par la Russie sur ses exportations de céréales après la sécheresse sans précédent qui a affecté le pays durant l'été.
Une aubaine pour les céréaliers français. Leurs revenus ont plus que doublé (+177%) grâce à cette envolée qui a toutefois eu pour effet secondaire, en renchérissant le coût de l'alimentation animale, d'alourdir les charges des éleveurs en fin d'année.
Les éleveurs ont également bénéficié d'un fort effet de rattrapage, en particulier les producteurs laitiers (+89%), dont les revenus avaient chuté de plus de 50% en 2009.
Ces derniers, qui ont obtenu une hausse du prix du lait de 10%, ont bénéficié d'aides d'urgence, ainsi que du versement anticipé d'une partie des aides de la PAC (politique agricole commune).
Toutefois, les revenus des éleveurs restent approximativement à leur niveau du début des années 90. Ils sont aussi nettement plus faibles que ceux des autres productions.
Pour la Confédération paysanne, la hausse moyenne de 66% des revenus agricoles "ne veut rien dire", tant sont "énormes et injustes" les disparités entre les paysans.
De fait, si l'arboriculture fruitière, le maraîchage et les fleurs tirent leur épingle du jeu en 2010, car la baisse des récoltes liées aux intempéries du début d'année ont fait grimper les prix, la viticulture voit pour sa part ses revenus reculer de 2%.
Cette évolution en dents de scie est "difficile à vivre pour les agriculteurs", renchérit Guy Vasseur, le président des Chambres d'agriculteurs.
"Le taux d'endettement des agriculteurs, jeunes comme plus âgés, atteint des sommets inégalés dans ces 20 dernières années", ajoute la Coordination rurale.
C'est pour tenter d'y répondre que seront mis en place au 1er janvier des contrats entre producteurs et acheteurs, mais dans les secteurs du lait et des fruits et légumes seulement. D'une durée minimale de 3 à 5 ans, ils fixeront à l'avance les volumes et les prix auxquels seront achetés les produits.
Mais pour certains, dont la Coordination rurale, "la contractualisation ne permettra pas, contrairement à ce qu'a laissé entendre le ministre, de compter sur des prix fixes car certains contrats laitiers prévoient déjà des clauses de révision des prix".