Le compromis fiscal accepté par le président Barack Obama est le dernier avatar de l'échec du gouvernement américain à résorber des inégalités sociales qui se perpétuent, voire se creusent.
La Maison Blanche et l'aile gauche du parti démocrate ont dû accepter à contre-coeur, pour sauver les allocations de centaines de milliers de chômeurs de longue durée, une prolongation des allégements fiscaux accordés en 2001 et 2003 pour tous les Américains.
Ils ont échoué à supprimer les allègements consentis aux ménages gagnant plus de 250.000 dollars par an, lesquels représentent environ 2% de la population. De l'autre côté de l'échelle sociale, les chômeurs de longue durée (six mois ou plus) sont 6,3 millions, soit 4% de la population active.
"Je reconnais que des gens des deux côtés du champ politique sont mécontents de certaines parties de cet ensemble. Et je comprends ces inquiétudes. J'en partage certaines", reconnaissait lundi M. Obama, sans plus s'étendre sur ses regrets.
L'un des principaux, notait son conseiller économique Lawrence Summers, est le maintien d'exonérations sur l'impôt sur la succession, largement considéré comme le plus juste socialement et l'un des moins dommageables pour la croissance.
Selon les calculs de United for a Fair Economy, un groupe de pression de lutte contre les inégalités, la fiscalité actuelle permet de "transmettre à ses héritiers jusqu'à 3,5 millions de dollars exemptés d'impôts, et 7 millions de dollars pour un couple marié".
Avant de repartir vers le monde universitaire, M. Summers a estimé lundi que les inégalités étaient l'un des champs de recherche les plus importants pour les économistes aujourd'hui.
Quand il était étudiant, a-t-il rappelé, "l'une des choses que l'on apprenait était qu'un attribut frappant de la vie économique américaine était la stabilité de la distribution des revenus, et c'était une lecture raisonnable des statistiques de la Seconde Guerre mondiale à la fin des années 1970".
"Ce serait une lecture manifestement fausse des données lors des deux dernières décennies", soulignait-il.
Entre 1990 et 2009, le revenu médian réel a progressé de 4,5%, quand celui des 5% les plus riches bondissait de 19,4%. Ces derniers gagnaient en moyenne quinze fois plus que les 10% les plus pauvres en 2009, contre un rapport de un à treize en 1990.
Dans un article publié fin novembre, deux économistes du Fonds monétaire international, Michael Kumhof et Romain Rancière, ont rapproché cette montée des inégalités de celle de l'endettement des ménages. Pour eux, c'est le point commun entre les décennies précédant la crise économique actuelle et celles d'avant la Grande dépression (1929-1933).
Dans les deux cas, "les classes pauvre et moyenne semblent avoir résisté à l'érosion de leur position relative dans l'échelle des revenus en empruntant pour maintenir un niveau de vie plus élevé" que ne le permettaient les salaires, expliquent les auteurs. Les deux fois, l'excès de leur dette a provoqué une crise financière, puis une récession.
L'ancien président Bill Clinton, qui a déjà exprimé ses regrets d'avoir trop libéralisé le secteur financier lorsqu'il était au pouvoir (1992-2000), appelait vendredi à changer l'orientation du système fiscal.
"Je pense que ceux qui profitent le plus devraient payer le plus. Cela a toujours été ma position. Non pas pour des raisons d'intérêts de classe: pour des raisons d'équité dans la reconstruction de la classe moyenne en Amérique", a-t-il dit lors d'une conférence de presse à la Maison Blanche.