Des experts européens et du FMI sont entrés vendredi à Dublin dans le vif de négociations, qui pourraient durer au moins deux semaines, sur un vaste plan de secours destiné à assainir les banques irlandaises au coeur d'une tempête financière qui menace toute l'Europe.
Arrivés jeudi dans la capitale irlandaise, des spécialistes du Fonds monétaire international (FMI), de l'Union européenne (UE) et de la Banque centrale européenne (BCE), ont entamé vendredi des négociations formelles sur "des mesures qui pourraient assurer la stabilité financière", selon le FMI, ainsi que "sur les programmes budgétaires du gouvernement", au moment où Dublin met la dernière main à un nouveau plan d'austérité draconien.
"Nous nous efforçons de voir quel mécanisme de soutien peut être conçu afin d'aider l'Irlande tout en protégeant nos intérêts", a précisé vendredi le Premier ministre irlandais Brian Cowen, évoquant des "discussions ouvertes et constructives".
La veille, le gouverneur de la Banque centrale d'Irlande, Patrick Honohan, a dit "s'attendre" à "un prêt de dizaines de milliards" d'euros. Les chiffres les plus souvent évoqués vont de 40 à 100 milliards d'euros, soit moins que les 110 milliards d'euros accordés à la Grèce il y a six mois lors d'une crise majeure qui avait suscité la création du Fonds européen de stabilité financière (FESF).
Son président, Klaus Regling, a précisé au journal français Le Monde que la mission d'experts resterait "environ deux semaines" en Irlande.
Tenant à se distancer de la situation de quasi-faillite dans laquelle se trouvait la Grèce au printemps dernier, l'Irlande souligne qu'elle n'a pas besoin d'un plan d'urgence, mais seulement d'un "fonds de prévoyance significatif" dans lequel Dublin pourrait puiser pour soutenir ses banques, a expliqué jeudi le ministre irlandais des Finances, Brian Lenihan.
Selon l'Irish Times, les tractations portent notamment sur la restructuration des banques irlandaises. Malgré les quelque cinquante milliards d'euros injectés par l'Etat, ce qui a propulsé le déficit public à 32% du produit intérieur brut, les instituts irlandais ont encore toutes les peines à se refinancer au niveau international, provoquant d'importantes turbulences sur les marchés.
Soucieux d'éviter une contagion à la zone euro, tout comme les atermoiements qui avaient aggravé la crise grecque, UE et FMI veulent résoudre le problème irlandais au plus vite.
Dublin rechigne cependant à accepter l'aide de l'extérieur, perçue comme une "humiliation". "Ce plan ne sauverait pas les Irlandais mais, encore une fois, les banques", a estimé le chef de file en Irlande du Sinn Féin (opposition de gauche), Caoimhghin O Caolain.
"Il n'est pas facile pour les gouvernements d'accepter que leur politique leur échappe, pour être partiellement contrôlée par Bruxelles et Washington", siège du FMI, a reconnu le président du FESF dans Le Monde.
Largement eurosceptiques, les Irlandais craignent en particulier que Bruxelles ne les contraigne à renoncer à leur fiscalité très avantageuse pour les sociétés (12,5%), qui a alimenté le "miracle" économique celtique.
Selon les milieux financiers, l'Allemagne est parmi les plus empressées, avec la France, à demander un relèvement du taux d'imposition. "Le gouvernement allemand n'exerce aucune pression", a toutefois affirmé son porte-parole à Berlin, Steffen Seibert.
Cependant, "même si l'Irlande accepte d'être aidée, cela n'empêchera pas la crise de la dette publique de continuer dans la zone euro", a estimé vendredi le ministre grec des Finances George Papaconstantinou. "L'Union européenne doit absolument discuter d'un mécanisme d'aide permanent", a-t-il insisté.