Réseaux saturés, trains bondés et en retard: la Cour des comptes a fustigé mercredi l'état des transports ferrés d'Ile-de-France où, faute de bonne gouvernance et d'investissements suffisants, le quotidien des voyageurs n'a cessé de se dégrader.
"Entre 2001 et 2009, le trafic sur les réseaux du transport régional a augmenté de près de 20% sans que les infrastructures évoluent en conséquence", a regretté le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud (PS), en présentant un rapport consacré au système de transport parisien.
Du coup, "le réseau apparaît saturé sur certains tronçons", tandis qu'il n'a pas su évoluer pour répondre au développement des trajets entre banlieues.
Certes, on a construit de nouvelles liaisons en Ile-de-France ces derniers temps. Mais les derniers gros projets (RER E et ligne 14 du métro) remontent aux années 1990, et, surtout, on a négligé d'entretenir l'existant, pointe la Cour des comptes.
"Les investissements de la RATP ont crû (pendant) la période récente, mais le rapport de la Cour souligne que la SNCF et RFF ont négligé la rénovation du réseau francilien", a lancé son premier président.
Explication de son adjoint Christian Descheemaeker, qui a piloté le rapport: "Nous sortons des années TGV, et dans les années TGV on a fait des TGV et les trains de banlieue en ont pâti. On n'avait pas d'argent pour investir de tous les côtés."
Conséquence de ce sous-investissement, "la qualité du service aux voyageurs se dégrade", selon Didier Migaud.
Et de pointer l'irrégularité chronique de certaines lignes, comme la ligne 13 du métro ou les lignes B et D du RER. 37,1% des trains de la branche allant vers Robinson du RER B ont plus de 5 minutes de retard!
Concernant les investissements qui ont tout de même été consentis ces dernières années, le premier président de la Cour des comptes déplore "des lacunes dans la sélection des projets", dont "les bilans surestiment les gains de temps pour les usagers et sous-estiment le montant des investissements".
"La maîtrise des coûts est insuffisante. En moyenne, le coût final des projets du contrat de plan Etat-région 2000-2006 a augmenté de 92% par rapport aux évaluations initiales", ajoute-t-il.
Dans ces circonstances, "l'importance des besoins justifie qu?une priorité soit donnée aux projets de modernisation des lignes existantes et à des extensions limitées du réseau", estime Didier Migaud.
Les sages de la Cour ne remettent pas pour autant en cause la nécessité de construire un nouveau métro circulaire dans le Grand Paris. Mais "on a tout à fait le temps de réfléchir", juge M. Descheemaeker, ajoutant que "tout est une question de phasage dans le temps".
Plus généralement, l'autorité des transports régionaux doit être "encore renforcée", estime Didier Migaud.
A cet égard, la reprise directe par l'Etat des dossier CDG Express --une liaison rapide vers l'aéroport de Roissy-- et du métro du Grand Paris, au détriment du Syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif), l'autorité organisatrice dominée par la Région, complique les choses, reconnaît-il.
Concernant l'exploitation, le rapport égratigne aussi la RATP et la SNCF, jugeant leur comptabilité trop opaque.
Dans une réponse à la Cour des comptes où il conteste plusieurs points du rapport, le président du Stif, Jean-Paul Huchon (PS), reconnaît volontiers que les deux opérateurs publics "continuent de refuser de communiquer" des comptes d'exploitation détaillés.
Pire pour la Cour, les deux entreprises sont régulièrement récompensées par des bonus prévus dans leurs contrats passés avec le Stif, alors même que la qualité du service se dégrade.