Au plus bas dans les sondages, le Premier ministre irlandais Brian Cowen joue son va-tout dans la réussite d'un plan de sauvetage européen des banques de l'île, à l'approche d'une législative partielle qui pourrait fragiliser sa majorité parlementaire déjà très courte.
Tandis qu'à Bruxelles, le ministre irlandais des Finances Brian Lenihan négociait un plan d'aide international pour renflouer les banques irlandaises plombées par les dettes, le Premier ministre Brian Cowen livrait à Dublin une guerre de tranchées au Parlement.
"Encore une fois, le gouvernement dit que tout va bien", a lancé Enda Kenny, leader de l'opposition. "Mais maintenant, on connaît la vérité: le drapeau blanc a été hissé, l'éponge jetée et ils arrivent jeudi pour dicter au gouvernement irlandais les conditions du plan de sauvetage", a ajouté le chef de file du Fine Gael (centre), en référence à la venue à Dublin, jeudi, d'experts européens et du Fonds monétaire international (FMI).
La mission doit "examiner les problèmes structurels des banques irlandaises à la lumière des pressions récentes sur les marchés, et évaluer ce qu'il faut faire", a expliqué mercredi Brian Lenihan.
"Personne n'a dicté quoi que ce soit à quiconque", a répondu Brian Cowen lors d'une séance très houleuse au Dail, Chambre basse du Parlement. Le gouvernement ne demande pas un plan de sauvetage européen pour l'ensemble du pays, comme la Grèce en a bénéficié, mais veut seulement faire en sorte que les banques irlandaises puissent avoir accès à des fonds "à des taux raisonnables", a-t-il assuré.
"Nous n'avons pas décidé de faire une proposition, parce que nous devons décider quelle est la meilleure option, et c'est toute la discussion" qui va s'engager jeudi, a-t-il précisé mercredi soir sur la chaîne publique de télévision RTE.
"C'est urgent, nous le savons, mais il faut aussi tenir compte de NOS propres intérêts", a souligné le Premier ministre, alors que l'opinion irlandaise est extrêmement sensible à ce qui pourrait apparaître comme une perte de souveraineté.
Selon le dernier sondage, publié dans l'Irish Sun la semaine dernière, 11% des Irlandais font confiance à Brian Cowen, un record d'impopularité.
Le Premier ministre est arrivé au pouvoir en mai 2008, en même temps que la sévère récession qui a frappé l'Irlande. L'ancien "Tigre celtique", ainsi surnommé pour avoir été jusqu'alors un champion de la croissance, s'est mué en "petit chaton", ironise la presse: le Produit intérieur brut s'est effondré de plus de 7% en 2009 (après une chute de 3,5% l'année précédente) et le chômage frôle les 14%, un record depuis 1994.
L'île est sortie de la récession au début de cette année, mais avec une croissance si faible qu'elle fait craindre une rechute.
Parallèlement, l'éclatement de la bulle immobilière - les prix des logements ont dégringolé de plus de 50% - a fait imploser les banques du pays, que le gouvernement a dû renflouer à hauteur d'une cinquantaine de milliards d'euros.
La facture a fait s'envoler le déficit public, à environ 32% du PIB cette année. Le gouvernement promet de ramener ce taux sous les 3% en 2014 : pour ce faire, les plans d'austérité se succèdent, tous plus draconiens les uns que les autres. Un nouveau tour de vis doit être annoncé dans quelques jours, peu avant le prochain budget qui sera soumis au Parlement le 7 décembre. Mais Brian Cowen a de plus en plus de peine à réunir le soutien des députés.
A la tête d'une coalition unissant son parti le Fianna Fail et les Verts, le Premier ministre a l'appui de 82 élus, soit une très courte majorité de trois députés. Et il pourrait perdre l'un d'eux lors d'une législative partielle, qui aura lieu le 25 novembre à Donegal (nord-ouest) et où le candidat du gouvernement est en difficulté.