Le redémarrage des créations d'emplois, concentré dans les services, s'est légèrement accentué au troisième trimestre en France au vu des données provisoires publiées mardi, mais reste encore lent et fragile jugent plusieurs économistes.
Dans les secteurs principalement marchands, les plus sensibles à la conjoncture, il y a eu 44.600 créations nettes (+0,3%) après les 24.000 du deuxième trimestre (+0,2%), selon les statistiques diffusées par le ministère du Travail et par l'Insee, susceptibles d'être révisées début décembre.
Entre le troisième trimestre 2009 et le troisième trimestre 2010, la France a enregistré 98.600 créations nettes d'emplois (+0,6%) dans ces secteurs.
C'est la première fois depuis le début de la crise économique mondiale que l'emploi salarié marchand évolue ainsi à la hausse sur douze mois.
Mais c'est encore insuffisant pour compenser les baisses des trimestres précédents et pour revenir au niveau d'avant-crise, sachant que plus d'un demi-million d'emplois salariés ont été détruits de mi-2008 à fin 2009 et que 2009 a été marquée par la plus forte hémorragie annuelle d'emplois en 50 ans.
Du coup, certains économistes, comme Nicolas Bouzou (cabinet Astérès), ont jugé mardi que "le marché du travail connaît un effet de rattrapage lié à des destructions d'emplois massives pendant la crise" et que "cette amélioration est lente".
"Conséquence logique de la faiblesse de la croissance dans l'Hexagone, l'évolution de l'emploi reste tout aussi terne", selon Marc Touati (Global Equities).
Jugeant "étonnant de constater qu'il n'y a pas de reprise de la croissance sans emploi", Eric Heyer (OFCE) a jugé que ces chiffres "constituent une bonne nouvelle à court terme mais fragile, car la très faible productivité risque de réduire la compétitivité française et de poser problème si elle se poursuit".
Les créations d'emploi du troisième trimestre ont été concentrées dans les services (+0,5% après +0,4% au deuxième trimestre). En un an, les services, premier secteur d'activité en France par le nombre de salariés, ont créé 200.500 postes (+1,8%).
Mais l'intérim, souvent considéré comme un indicateur avancé de l'emploi, "fléchit quelque peu", a observé l'Insee. Il a poursuivi sa remontée au troisième trimestre (+3%) "mais à un rythme moins soutenu qu?au cours des trimestres précédents".
Dans l'industrie (-0,3%), où l'hémorragie d'effectifs n'a pas cessé depuis 2001, et dans la construction (-0,2%), l'emploi a continué à baisser mais moins fortement qu'au deuxième trimestre.
"La désindustrialisation continue. Jamais dans notre pays le niveau de l'emploi industriel (hors intérim) n'avait été aussi faible. La crise a conforté un mouvement structurel", a commenté M. Bouzou.
Après une hémorragie record d'effectifs en 2009 depuis l'après-Guerre, le gouvernement table sur 80.000 créations nettes d'emplois dans le seul secteur marchand cette année, puis sur 160.000 en 2011.
Sans une croissance annuelle d'au moins 1,5%, voire 2%, la France ne parvient pas à créer plus d'emplois qu'elle n'en détruit, selon la plupart des économistes. Le gouvernement prévoit 1,5% de croissance en 2010 et 2% en 2011.
"Rien ne dit que la croissance, tirée exclusivement par le déstockage des entreprises, va durer en l'absence de nouveaux ressorts. D'autant que les plans de rigueur risquent de lui porter un coup dans les trimestres à venir. S'il y a très peu de croissance, il y aura très peu d'emplois", selon M. Heyer.