
L'Union européenne tente lundi de boucler son budget 2011 lors de négociations de la dernière chance dont l'enjeu est moins financier que politique, avec une lutte de pouvoir entre institutions sur le contrôle des dépenses et des recettes.
Quand les négociations ont été interrompues jeudi, toutes les parties avaient accepté, bon gré mal gré, le principe d'une augmentation de 2,91% du budget en 2011. Mais le désaccord portait sur qui, à l'avenir, contrôlerait ce qui est dépensé, et pour quoi.
Le combat oppose les gouvernements nationaux au Parlement européen, qui tente de faire valoir un tout nouveau droit de regard budgétaire octroyé par le traité de Lisbonne.
L'UE avait le droit de dépenser cette année 123 milliards d'euros. Un supplément de 3,5 milliards d'euros est envisagé pour l'année prochaine, même si les gouvernement de l'UE se sont lancés dans des coupes dans leurs dépenses. Le Parlement pourtant a rompu les négociations, car il veut davantage: s'assurer dès maintenant une influence sur les futures recettes de l'UE et les priorités retenues en termes de dépenses.
Les négociateurs doivent se retrouver lundi. Mais c'est aussi ce jour-là que le délai imparti arrive à son terme, à minuit. La Commission européenne et la Belgique, qui assure actuellement la présidence tournante de l'UE, ont passé le week-end à tenter de préparer un compromis.
L'objectif est d'éviter une défaite trop douloureuse au Parlement, qui apprend encore à imposer son autorité aux capitales nationales. "Ce n'est pas seulement un test pour les pouvoirs budgétaires, c'est un test pour le traité de Lisbonne", a souligné vendredi le commissaire au Budget, Janusz Lewandowski. Pour lui, il s'agit de définir "le modèle de coopération" entre les gouvernements et les eurodéputés dans les futures procédures de décision. "Un échec potentiel inquiète beaucoup la Commission", a-t-il reconnu, mettant en garde contre le "coût d'une absence d'accord".
En attendant une nouvelle proposition au budget, le montant de 2010 serait divisé en 12, avec une part par mois de l'année.
Cela menacerait, faute de financement, une série de chantiers clés pour l'UE: son tout nouveau service diplomatique, les agences européennes de supervision du secteur financier devant débuter leur activité en janvier, la recherche sur le réacteur expérimental à fusion nucléaire Iter...
Le Parlement fait valoir que "le traité de Lisbonne a donné aux eurodéputés, comme représentants élus au suffrage direct de quelque 500 millions de citoyens de l'UE, certains pouvoirs", et qu'il veut "un accord sur comment ces pouvoirs doivent être appliqués en pratique".
Le traité de Lisbonne donne en effet au Parlement les mêmes pouvoirs de décision que les Etats pour la partie dépense du budget de l'UE. Mais pas pour les ressources propres qui l'alimentent, sur lesquelles les eurodéputés sont seulement consultés et veulent justement avoir davantage leur mot à dire. Ces ressources propres pourraient éventuellement recouvrir à l'avenir des émissions d'obligations européennes ou un impôt européen, rejeté notamment par la France, le Royaume-Uni ou l'Allemagne qui jugent que la fiscalité doit rester une prérogative nationale.
M. Lewandowski a reconnu qu'il était difficile de concilier "le plein respect du traité et le plein respect de la souveraineté des Etats membres". Mais il veut dans tous les cas éviter de faire remonter le dossier jusqu'aux chefs d'Etat et de gouvernement, lors de leur prochaine réunion à Bruxelles en décembre. "Je ne prendrais pas le risque de mettre le budget annuel à l'agenda du sommet de décembre", a-t-il dit.