La banque centrale des Etats-Unis a ouvert en grand les vannes du crédit en annonçant mercredi son intention d'injecter 600 milliards de dollars pour soutenir la reprise et les prix, au lendemain d'un scrutin ayant amené à Washington une majorité prônant l'austérité budgétaire.
Après la conquête de la Chambre basse par les républicains, qui paralyse les plans de relance du gouvernement, la Réserve fédérale (Fed) se retrouve seule en mesure d'aider l'économie sans délai.
Elle a franchi le pas en prenant des mesures d'assouplissement monétaire exceptionnelles dont les partisans les plus ardents reconnaissent eux-mêmes qu'elles sont risquées.
A l'issue de deux jours de réunion à Washington, le Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) a indiqué que la banque centrale avait "l'intention d'acheter des obligations du Trésor à moyen et long terme pour un montant supplémentaire de 600 milliards de dollars d'ici à la fin du deuxième trimestre de 2011".
Pour le FOMC, le but de cette création de monnaie, dont l'annonce a précipité le dollar à la baisse sur le marché des changes, est double: "favoriser une accélération de la reprise économique" et faire remonter l'inflation, trop faible, à des niveaux acceptables.
"Le rythme de la reprise de l'activité et de l'emploi continue d'être lent", explique le FOMC, jugeant que les progrès de la Fed vers son double objectif (plein emploi et stabilité des prix) "ont été décevants par leur lenteur".
Pour Zach Pandl, économiste de la maison de courtage japonaise Nomura, il y a là un "changement notable" dans le discours de la Fed puisqu'il donne "la même importance" à la lutte pour l'emploi et au contrôle des prix alors que le FOMC avait paru s'inquiéter surtout fin septembre d'un risque de déflation.
Concrètement, la Fed compte racheter pour 75 milliards de dollars d'obligations d'Etat supplémentaires par mois d'ici à fin juin 2011, mais elle se réserve la possibilité d'ajuster le tir en fonction de l'évolution de l'économie.
En décidant d'injecter des liquidités en masse, la Fed, dont le taux directeur est quasi nul depuis près de deux ans, renoue avec des mesures exceptionnelles dites "d'assouplissement quantitatif".
En 2008-2009, période correspondant à l'après pic de la crise et au début de la reprise, la Fed avait en effet racheté pour environ 1.750 milliards de dollars de titres financiers sur les marchés.
Sur ce total 1.450 milliards sont partis en titres émis par les organismes de refinancement hypothécaires parapublics Freddie Mac et Fannie Mae.
Seuls 300 milliards avaient été alloués initialement à des rachats de bons du Trésor.
En triplant la mise mercredi, le FOMC veut abaisser encore un peu plus des taux d'intérêts déjà très bas pour stimuler l'investissement et la consommation. Il prend cependant un grand risque en s'aventurant dans "des eaux inexplorées", de l'aveu même de plusieurs partisans de ce programme.
Dans le cas où les liquidités que la Fed s'apprête à injecter ne seraient pas retirées du système au bon moment, elles pourraient en effet engendrer à terme un emballement préjudiciable de l'inflation.
Dans l'immédiat, estime Ian Shepherdson, économiste du cabinet HFE, l'annonce du FOMC devrait entraîner des "gains supplémentaires à la Bourse".
Cela devrait, selon lui, "stimuler la confiance des consommateurs et des entreprises, et créer avec un peu de chance un cercle vertueux de confiance et de dépenses" susceptibles d'alimenter la croissance.