L'Allemagne et la France vont devoir batailler jeudi au cours d'un sommet pour convaincre l'UE d'en passer par une révision du traité de Lisbonne afin d'éviter de nouvelles crises dans la zone euro, via un Fonds de sauvetage permanent des pays et une discipline budgétaire renforcée.
Les chefs d'Etat et de gouvernement européens se réunissent à Bruxelles à partir de 15H00 GMT, jusqu'à vendredi midi.
La partie s'annonce difficile pour Paris et Berlin, même si un compromis prudent ouvrant la possibilité d'un changement minimal du traité européen se dessine, selon des diplomates.
Les deux pays veulent faire accepter par leurs partenaires la nécessité de modifier d'ici à 2013 le traité de Lisbonne, une initiative requérant l'unanimité des 27 pays de l'UE.
Mais la plupart de leurs partenaires de l'UE ne veulent pas d'une révision de ce texte laborieusement ratifié il y a un an et dont l'accouchement a duré près de dix ans au total. Ils veulent éviter le risque de référendums chez eux, politiquement risqués.
Le couple franco-allemand a fait de modifications dans le texte une condition de la pérennisation d'un Fonds de soutien financier prévu en cas de crise pour les pays de la zone euro, et rassurer ainsi les marchés.
Un tel dispositif a été mis en place au printemps à la suite des difficultés de la Grèce, mais il cessera d'exister en 2013.
Il faut pour ce mécanisme un cadre qui soit "juridiquement inattaquable, et cela ne marchera qu'avec des modifications des traités", a martelé mercredi à Berlin la chancelière Angela Merkel. Elle redoute sinon un blocage de sa Cour constitutionnelle car le traité actuel de l'UE n'autorise pas qu'un Etat de la zone euro soit sauvé de la banqueroute par ses partenaires.
La révision du traité de Lisbonne doit aussi servir à introduire des "sanctions politiques" contre les Etats laxistes en matière budgétaire, qui seraient privés de droits de vote dans l'UE.
Mais ce point est rejeté par la plupart des pays européens, qui jugent la punition trop lourde, à commencer par le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker. "Il s'agit d'une idée à laquelle il ne faut pas donner suite", a lâché mercredi soir M. Juncker sur la chaîne de télévision RTL-Luxembourg.
"Ne pas respecter les règles budgétaires est quelque chose de grave, mais pas autant que violer des droits de l'Homme", a-t-il ajouté.
En revanche, il s'est dit ouvert à une révision "minimale" si nécessaire du traité.
La Commission européenne et de nombreux pays sont peu ou prou sur la même ligne, qui pourrait servir de base à un compromis final voyant le président de l'UE chargé de trouver le meilleur moyen de modifier à la marge le traité sans créer de traumatismes politiques en Europe, selon des diplomates.
Cela "consisterait à demander à Hermann Van Rompuy d'aller voir les 27 pays (pour) faire des propositions techniques sur la meilleure façon d'aborder cette révision des traités" d'ici à mars 2011, souligne une source proche de la présidence française.
Cette solution "est la meilleure possible pour parvenir à une formule consensuelle en évitant un débat qui rouvrirait des plaies cicatrisées aujourd'hui" et "pourrait avoir des conséquences éventuellement sur les marchés", ajoute-t-elle.
Les dirigeants européens devraient aussi jeudi valider un accord de principe sur le renforcement de la discipline budgétaire des Etats pour tirer les leçons de la crise grecque.
Au programme : de nouvelles sanctions financières intervenant plus tôt et plus vite que par le passé. Mais de manière moins automatique que ce que souhaitaient plusieurs capitales.