(AOF / Funds) - L'évolution apaisée des marchés financiers depuis plusieurs semaines montre que ceux-ci ont reçu 5 sur 5 le message du président de la FED, Ben Bernanke. Sa promesse de remettre en marche la planche à billets, moins prosaîquement appelée Quantitative Easing, est considérée selon les investisseurs, comme une politique monétaire prépondérante pour relancer vigoureusement l'économie américaine. On peut néanmoins légitimement s'interroger sur ses conséquences et ses limites à long terme.
Les banques centrales sont généralement démunies face à la déflation, à l'exemple de celle du Japon qui bataille vainement depuis deux décennies. L'attitude américaine consiste à mettre en place des mesures préventives visant à accroître les anticipations inflationnistes de moyen terme avant même que la déflation ne devienne réalité.
Le rebond spectaculaire des indices boursiers depuis le mois d'août indique que les marchés font entièrement confiance à la politique de la FED. Ils y voient une répercussion très positive sur la santé des entreprises. Cependant, les simulations indiquent qu'une injection de 1 000 milliards de dollars sur un an contribuerait seulement à 0,6 % de croissance du PIB. Cette stimulation ne permettra donc pas à l'économie américaine de croître bien au-delà de son potentiel.
Du côté des taux d'intérêt, l'analyse rationnelle des intervenants quant aux incidences de cette politique monétaire provoque une pentification très forte de la courbe des taux américaine. Les taux à 30 ans atteignent 4 % alors que ceux à 2 ans stagnent à 0,35 %. Les gestionnaires de portefeuilles craignent que l'inflation à moyen et long terme s'accélère. Ils exigent en protection, un rendement bien plus élevé pour les obligations de maturité longue. Dans ce cas, les marchés font l'hypothèse que le surcroît d'activité provoquera des pressions inflationnistes, et, en outre, que la FED prendrait le risque de laisser celles-ci se développer.
Enfin sur le marché des changes, Ben Bernanke est satisfait, sans le mentionner, de l'affaiblissement concomitant du dollar, quitte à déclencher une «guerre des devises». Parmi les pays qui luttent contre l'appréciation de leur monnaie face au dollar, le Japon en fait les frais, avec un yen au plus haut depuis quinze ans.
Quels vont être les effets de cette politique de création monétaire ? Combien de temps devra-t-elle durer ? Jusqu'où la FED peut-elle aller en termes de montant ? Combien les marchés sont-ils en mesure d'absorber, avant que le dollar ne s'effondre et/ou que les investisseurs non résidents vendent aveuglément leurs actifs américains ? Autant de limites inconnues à ne pas franchir.
Thierry Million, directeur de la gestion obligataire, Allianz Global Investors France