L'affaire Bettencourt prend un nouveau tournant avec la volonté affichée par Liliane Bettencourt de batailler contre la nouvelle demande de mise sous tutelle déposée par sa fille, et la révélation, contestée par ses avocats, de son souhait d'écarter son gendre de L'Oréal.
Dans l'extrait d'un entretien à Europe 1 diffusé vendredi soir, la milliardaire s'est dite "prête à la bagarre" contre sa fille, Françoise Meyers-Bettencourt.
"Si je ne peux pas faire autrement, oui, je suis prête à la bagarre. Elle ne me ménage pas", a déclaré l'héritière de L'Oréal, qui avait dès mercredi porté plainte pour "violences morales" après une troisième demande de sa fille pour la faire placer sous tutelle.
Derrière le conflit mère-fille désormais sur la place publique se joue aussi en coulisses une lutte pour le pouvoir au sein du géant des cosmétiques.
Intox ou pas? Paris Match évoquait jeudi l'existence d'un courrier envoyé en août par le camp de Liliane Bettencourt à la partie adverse suggérant à Françoise Bettencourt-Meyers de céder une partie de ses parts dans L'Oréal à un de ses fils, pour qu'il succède ensuite à son père Jean-Pierre Meyers au conseil d'administration.
Le schéma, sautant une génération, rappelle celui mis en oeuvre dans la succession des Agnelli chez Fiat en Italie.
L'information avait été confirmée à l'AFP de source proche de la milliardaire. Vendredi, Le Figaro allait plus loin, évoquant le souhait de Liliane de tenter d'écarter son gendre mais aussi sa fille du conseil, au profit de leurs deux fils.
Dans la foulée, les avocats de la milliardaire ont remis en cause l'existence de ce document.
"Je ne sais pas qui aurait dit ces choses-là dans l'entourage de Mme Bettencourt", a déclaré Me Pascal Wilhelm à l'AFP: "Je n'ai envoyé aucune lettre en ce sens, et à ma connaissance, Mme Bettencourt non plus".
"Ce n'est pas un schéma auquel Liliane Bettencourt a réfléchi et qu'elle voudrait mettre en oeuvre. C'est astucieux mais ce n'est pas à l'ordre du jour", a renchéri Me Georges Kiejman.
Dans la partie de poker menteur entre les deux camps, la révélation de cette lettre -- réelle ou pas -- a tout de la contre-attaque orchestrée après la troisième demande de placement sous tutelle de Liliane Bettencourt.
Un tel placement aboutirait en effet sans doute au départ de la milliardaire du conseil d'administration du groupe, où elle siège aux côtés de sa fille et de son gendre. Les trois, d'ailleurs, y votent "en bloc", assurait encore récemment le président du conseil, Lindsay Owen-Jones.
Officiellement au moins, pour l'héritière de L'Oréal, sa fille et son gendre ne poursuivent d'ailleurs qu'un but: mettre la main sur le groupe à l'origine de la fortune familiale pour le céder au suisse Nestlé, deuxième actionnaire.
Ces derniers ont toujours formellement nié de telles intentions. Mais Liliane Bettencourt s'en inquiète au point d'avoir envisagé de revenir sur la donation des parts familiales à sa fille et à ses petits-enfants effectuée en 1992.
Elle avait alors cédé en nue-propriété ses parts dans le groupe à sa fille et à ses petits-fils, elle-même en conservant l'usufruit. La manoeuvre lui permet aujourd'hui encore d'exercer les droits de vote et de toucher les dividendes (278 millions d'euros en 2009) liés à ces actions, qui représentent 30,9% du capital du groupe.
L'Oréal, pour l'image duquel M. Owen-Jones s'est récemment dit "soucieux" en raison de l'affaire Bettencourt, continue en tout cas à se porter bien: il a engrangé au 3e trimestre un chiffre d'affaires en hausse de 14,6% à 4,85 milliards d'euros.
Pesant près de 52 milliards d'euros en Bourse, L'Oréal emploie quelque 65.000 personnes dans le monde entier.