Le danger que représente pour tout le système financier un effondrement des grandes banques est loin d'avoir disparu, estiment des experts, selon lesquels les réformes bancaires, dites de Bâle III, ne vont pas assez loin pour éviter cette menace.
"Les risques systémiques sont certainement l'un des plus grands problèmes pour les gouvernements", estime Norman Schürhoff, professeur à l'Institut des banques et de la finances de l'université de Lausanne.
Le danger posé par l'effondrement d'un grand établissement bancaire s'est cristallisé lors de la faillite en 2008 de la banque américaine Lehman Brothers, qui a entrainé dans sa chute des pans entiers de l'économie.
Cet effondrement a provoqué de telles craintes dans le milieu bancaire qu'elles ont paralysé l'ensemble du secteur, les établissements hésitant à se prêter entre eux et à leurs clients, paralysant ainsi l'ensemble de l'économie.
Le Comité de Bâle de supervision bancaire, mandaté par le G20, a pris au sérieux ce problème, en relevant notamment le ratio de fonds propres durs des banques à 7%.
Les régulateurs se sont aussi engagés à ce que les banques d'importance systémique disposent "de capacités à absorber des pertes supérieures aux minima" définis pour les établissements de taille moyenne, explique le Comité de Bâle dans son dernier rapport.
Les nouvelles normes à destination des grandes banques ne seront pourtant pas finalisées avant le milieu de l'année prochaine, donc après le sommet du G20 en novembre à Séoul, a indiqué mardi le président du Comité, Nout Wellink.
Les spécialistes estiment pourtant que les régulateurs ne vont pas assez loin pour juguler les risques que font courir les grands établissements à l'ensemble de l'économie.
"Je ne suis pas très optimiste. Les modifications proposées par le Comité de Bâle vont dans le bon sens, mais ce ne sera sans doute pas suffisant", s'inquiète Jean-Charles Rochat.
Pour ce professeur de l'Institut bancaire de l'université de Zurich et de la Toulouse School of Economics, les réformes du système bancaire sous Bâle III sont trop timides sur la problématique des banques dites d'importance systémique.
"Il aurait fallu donner plus de pouvoir aux banques centrales et aux organismes de régulation", explique-t-il à l'AFP.
"On s'est contenté de renforcer les règles prudentielles pour préserver de la faillite un établissement unique. Mais rien n'a été fait pour se prémunir contre la faillite du système", souligne M. Rochat, selon lequel une solution internationale est peu probable car "cela impliquerait un abandon de souveraineté partiel".
Le modèle suisse, qui prévoit de relever les fonds propres durs d'UBS et Credit Suisse à 10% tout en les obligeant à scinder leurs activités vitales en cas de faillite, serait une solution qui pourrait être adoptée par le Comité de Bâle.
"Les Britanniques poussent dans ce sens, mais en Europe continentale cela impliquerait de remettre en question le modèle de banque intégrée de certains grands groupes", estime Bernard de Longevialle de Standard & Poor's.
"Il n'y pas de consensus des grands Etats du G20 pour mettre en place ces plans de démantèlement de banques en cas de crise. Pour être efficace, il faudrait harmoniser le droit de faillite au niveau international", un objectif à très long terme, indique-t-il. L'Europe s'est pourtant lancé mercredi dans ce projet en présentant ses propositions pour une faillite ordonnée de ses banques, à l'horizon, il est vrai, 2014.
"Si l'on régule trop le système bancaire, les banques vont développer des banques ailleurs" prévient aussi M. Rochat. Les établissements iraient alors créer des "banques fantômes", des filiales vers lesquelles elles transféreraient leurs activités à risque, prévient-t-il.