Après des mois d'empoignades, notamment entre Londres et Paris, l'UE a fait un grand pas mardi vers une régulation des fonds spéculatifs, accusés d'avoir amplifié la crise financière et qui devront à l'avenir respecter certaines règles pour obtenir un "passeport" européen.
"Nous avons un accord à l'unanimité" entre les gouvernements, s'est félicité le ministre belge des Finances Didier Reynders, dont le pays assure la présidence de l'UE, après une réunion avec ses homologues européens à Luxembourg.
Sur cette base, des discussions vont reprendre avec le Parlement européen, en vue d'un vote en novembre censé mettre fin à un processus très difficile.
Les eurodéputés avaient réclamé dès septembre 2008, juste après la faillite de Lehman Brothers, un meilleur encadrement du secteur très opaque des fonds spéculatifs, accusés d'encourager la spéculation car ils prennent des risques importants pour obtenir les rendements les plus élevés possibles.
Ces fonds géraient 2.000 milliards de dollars dans le monde avant la crise financière, un montant tombé l'an dernier à 1.200-1.300 milliards, et ils représentent certains jours la moitié des échanges sur les marchés.
Le compromis trouvé mardi par les ministres repose sur un "passeport" permettant la commercialisation des fonds dans toute l'UE, y compris quand ils n'y sont pas basés.
Mais "ce sera un passeport qui se mérite", a prévenu le commissaire européen chargé des services financiers, Michel Barnier: il sera conditionné au respect d'obligations en termes de capitalisation, de gestion du risque...
Le passeport sera introduit en 2013 pour les fonds européens, et en 2015 pour ceux d'autres pays.
Il sera octroyé par le régulateur du pays européen où le gestionnaire de fonds réalise la plus grande part de son activité, mais le compromis ouvre la porte à un éventuel transfert au futur régulateur européen des marchés financiers (ESMA), dans le cadre d'un réexamen du dispositif en 2017.
Une période de transition est en outre prévue entre 2015 et 2018, durant laquelle un pays pourra accepter, sur son seul territoire, des fonds ne respectant pas toutes les conditions pour un passeport européen.
La France s'est longtemps opposée au passeport, par crainte de laisser les mains libres en Europe à des acteurs douteux, basés par exemple dans des paradis fiscaux.
Londres, où sont basés la grande majorité des fonds spéculatifs actifs en Europe, redoutait pour sa part des contraintes trop fortes risquant de provoquer un exode vers d'autres continents.
Tant la ministre française des Finances, Christine Lagarde, que le représentant britannique, Mark Hoban, ont finalement salué mardi des progrès "significatifs".
Les projets européens sont aussi suivis de près par le gouvernement américain, qui a mis en garde l'UE à plusieurs reprises contre une législation trop protectionniste.
"Il n'y a pas de discrimination, seulement de l'exigence", a assuré Michel Barnier.
La régulation des fonds spéculatifs fait partie des engagements pris depuis la crise par le G20, le forum des grands pays industrialisés et émergents de la planète.
Pour des raisons de crédibilité, les Européens veulent arriver au sommet du G20 de Séoul en novembre avec une législation définitive.
Pour cela, une nouvelle réunion de négociation avec le Parlement européen devrait avoir lieu la semaine prochaine, selon le rapporteur parlementaire, le conservateur Jean-Paul Gauzès. Il reconnaît que le texte final "ne sera peut-être pas parfait mais sera un bon début".
Plus critique, l'écologiste Pascal Canfin juge que le texte "fait largement semblant de réguler les fonds spéculatifs", car il permet le contournement des règles.