Paris n'a aucune raison de critiquer la décision d'Eurostar de commander des trains au groupe allemand Siemens, a jugé lundi le gouvernement allemand, tandis que plusieurs personnalités politiques allemandes criaient au protectionnisme.
"Nous pensons que l'intervention française est injustifiée", a déclaré le porte-parole du gouvernement allemand Steffen Seibert, lors d'un point de presse régulier.
"Comme je l'ai déjà dit, différents gouvernements apprécient de diverses manières jusqu'où ils peuvent se mêler des processus économiques", a-t-il ajouté.
Dans un entretien à paraître mardi dans le Handelsblatt, le ministre de l'Economie Rainer Brüderle a critiqué la France.
"Il ne devrait pas y avoir de conflit de protectionnisme entre Berlin et Paris sur cette question", a-t-il souligné. "Dans le monde entier, le +Made in Germany+ est un gage de qualité. Ce serait bien que NOS amis français le voient ainsi aussi", a-t-il ajouté, selon un extrait diffusé lundi soir.
Le secrétaire d'Etat français aux Transports Dominique Bussereau avait affirmé la semaine dernière que la décision d'Eurostar, compagnie ferroviaire qui circule dans le Tunnel sous la Manche, de commander des trains à grande vitesse à Siemens, au détriment de son concurrent français Alstom, était "nulle et non avenue".
"On dit depuis le début aux dirigeants d'Eurotunnel et d'Eurostar que les matériels autres que le matériel Alstom actuel ne peuvent pas passer, donc la décision qu'a prise Eurostar est nulle et non avenue", avait-il déclaré.
Pour Berlin, "ce qui compte c'est ce que pense Eurostar", a rétorqué M. Seibert.
Eurostar, filiale commune de la SNCF, de la compagnie belge SNCB et du gouvernement britannique et seule compagnie a transporter des passagers dans le tunnel à l'heure actuelle, a choisi début octobre Siemens comme nouveau fournisseur de trains à l'issue d'un appel d'offre, s'attirant l'ire de Paris.
Le gouvernement français affirme que seules les rames fabriquées par Alstom sont conformes aux règles de sécurité dans le tunnel sous la Manche.
Pour Patrick Döring, vice-président du groupe parlementaire libéral (FDP) au Bundestag, chambre basse du parlement allemand, cet argument est "complètement aberrant", a-t-il déclaré au site internet du quotidien économique Handelsblatt.
"L'Etat français veut manifestement empêcher ainsi que des trains qui ne sont pas construits par l'ancienne entreprise publique Alstom n'effectuent la prestigieuse liaison Paris-Londres", a renchéri l'expert en questions économiques du groupe parlementaire chrétien-démocrate (CDU), Joachim Pfeiffer.
"Je ne comprends pas l'attitude de la France et elle n'est pas acceptable", a-t-il ajouté. "J'attends de la France et du gouvernement français qu'ils respectent les règles du marché unique européen".
Parallèlement au choix de Siemens par Eurostar, Eurotunnel, l'exploitant du tunnel, souhaite s'ouvrir à plus de clients et notamment la compagnie allemande Deutsche Bahn, qui lorgne une liaison Francfort-Londres ou Cologne-Londres.
La compagnie publique allemande a testé samedi dans le tunnel un de ses trains, de fabrication Siemens. "Manifestement cela s'est bien passé", a commenté M. Seibert selon qui le gouvernement a "pleine confiance en les ingénieurs et les techniciens de Siemens".