La perspective d'une saignée du budget défense, dans le cadre d'une mobilisation générale pour réduire un déficit public record, a ravivé un débat britannique récurrent depuis la chute de l'Empire: le Royaume-Uni est-il en passe de perdre son rang d'acteur global?
Le Premier ministre David Cameron a tranché entre le Trésor, qui exigeait au moins 10% d'économies, et les chefs militaires sortis de leur devoir de réserve pour assurer qu'au-delà de 4% de coupes, les missions de l'armée et la sécurité nationale seraient "en danger".
L'économie annoncée cette semaine sera de l'ordre de 7-8 %, sur un budget annuel défense de 42 milliards d'euros, selon la BBC.
Après avoir multiplié les mises en garde, le ministre de la Défense Liam Fox a assuré, en pompier-pyromane, que "la Grande-Bretagne disposera des moyens dont elle a besoin pour l'avenir", et "restera un gros contributeur à l'Otan".
Il avait reçu le renfort appuyé de la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, "inquiète" à la perspective d'une réduction des capacités militaires du meilleur allié des Etats-Unis.
En apprenant le compromis, les experts ont déduit que les deux porte-avions en chantier seront préservés, ainsi que le programme de modernisation des missiles nucléaires Trident. La RAF sacrifiera des avions, la Navy des bâtiments et l'armée de terre quelque 4% de ses 175.000 soldats, sur cinq ans.
Des réductions d'effectifs plus élevés ont été gelées pour cause de guerre en Afghanistan, où sont déployés 10.000 Britanniques, constituant le deuxième contingent derrière les Américains. Le retrait des derniers combattants britanniques est annoncé à l'HORIZON 2015, dans ce conflit aussi impopulaire que le précédent, en Irak.
"Pour un temps au moins, nous allons trouver plus difficile de faire tout ce que nous voulons faire," a prévenu le général David Richards, chef d'état-major inter-armes.
"On peut probablement supprimer la plupart des chars lourds et la moitié des avions de combat, et conserver une capacité d'intervention rapide tout à fait crédible", a cependant commenté Robin Niblett, le directeur de l'institut de recherches londonien Chatham House.
La nouvelle stratégie militaire présentée en début de semaine insistera sur le maintien des capacités opérationnelles, mais elle insistera surtout sur l'ambition britannique "de demeurer un acteur de premier plan au Conseil de sécurité et au G20 (...) et de mettre sa diplomatie au service d'une politique économique dirigée en priorité vers les marchés/pays émergents" d'Asie et d'Amérique Latine, explique Niblett à l'AFP.
Par ailleurs, dans sa recherche d'économie et de synergie, la Grande-Bretagne envisage un programme de coopération renforcée avec la France, "seule autre puissance militaire globale en Europe", qui sera dévoilé au sommet franco-britannique du 2 novembre prochain.
Les mises au point éteindront-elles l'introspection abondamment relayée dans les médias sur le thème de la grandeur et décadence du pays? Voici peu, le Financial Times reprenait un verdict définitif: "Le rideau est en train de tomber sur 400 ans d'aventure globale".
Cameron parle "le langage de la vérité" quand il décrit la Grande-Bretagne comme une puissance "globale mais moyenne", selon Niblett.
Le problème est que, depuis la chute dans les années 60 d'un empire "sur lequel le soleil jamais ne se couchait", les Britanniques ont été bercés d'autres discours. "C'est grandiose d'être à nouveau grand", s'exclamait la "dame de fer" Margaret Thatcher après sa reconquête des Malouines, en 1982. Son successeur travailliste Tony Blair ambitionnait de faire du Royaume-Uni "un phare pour le monde", en l'an 2000.