(AOF / Funds) - Entre la réunion du conseil de la BCE de septembre et celle de jeudi dernier, l'euro a progressé de 6 % contre sterling, de 8 % contre yen et de 9 % contre dollar. Interrogé sur l'appréciation de l'euro, lors de sa conférence de presse mensuelle, Jean-Claude Trichet n'a pu que répéter que la volatilité excessive est nuisible et rappeler la phrase qu'utilisent habituellement les secrétaires au Trésor américains : «Un dollar fort est dans l'intérêt des Etats-Unis» - bien que Timothy Geithner ne l'aie plus prononcée depuis janvier 2009. Cet aveu implicite d'impuissance de la zone euro a conduit sa monnaie au-dessus de 1,40 dollar.
Après la grande crise économique, on voit bien que chaque nation, ou presque, considère qu'un taux de change faible, ou du moins pas trop fort, lui est indispensable pour retrouver le chemin de la croissance. Dans cette optique, la zone euro semble cumuler les handicaps. Elle cherche à réduire très vite ses déficits publics, comme au Royaume-Uni, mais plus vite qu'aux Etas-Unis et au Japon. La BCE maintient des taux vers 1 %, donc plus élevés que dans les trois autres zones monétaires. Surtout, elle n'a pratiquement jamais mené d'assouplissement quantitatif : ses achats d'obligations foncières se sont limités à 61 milliards d'euros et cet encours diminue ; quant aux achats de titres d'Etat, ils sont stérilisés. Alors que les banques centrales étrangères s'apprêtent à inonder le marché de liquidités qui conduiront «nolens volens» leur devise à la baisse, la zone euro va se présenter sur le champ de bataille monétaire les deux mains volontairement liées dans le dos. Cette position ne sera sans doute pas tenable très longtemps.
Dominique Barbet, économiste de marché chez BNP Paribas