Les pays asiatiques émergents se préparent à des dommages collatéraux en cas de "guerre des monnaies" entre les économies les plus puissantes de la planète, mais ils n'ont que peu de moyens de se défendre, soulignent les économistes.
Les taux de changes ont été au coeur des discussions de la réunion des Etats membres du Fonds monétaire international au cours du week-end à Washington.
Un compromis timide a été trouvé, mais les mesures décidées dans l'immédiat semblent peu à même d'apaiser les tensions, notamment entre la Chine et ses principaux partenaires commerciaux, les Etats-Unis, l'Europe et ses voisins asiatiques, à propos du niveau de la monnaie chinoise, le yuan.
"J'espère vraiment que cela ne va pas déboucher sur une guerre sans merci", déclare Cyn Young Park, économiste à la Banque asiatique de développement, qui craint que cela fasse dérailler la fragile reprise de l'économie mondiale. "Nous sommes actuellement dans la phase où beaucoup de pays doivent s'efforcer de maintenir leur reprise, et il serait contre-productif de glisser dans le protectionisme, que ce soit commercial ou financier".
Affaiblis par la crise financière, les Etats-Unis, le Japon et l'Europe tentent d'affaiblir ou d'empêcher de grimper leur devise, afin de favoriser leurs exportations.
Les Etats-Unis, où les élections de mi-mandat ont lieu dans un mois, font pression sur la Chine pour qu'elle laisse grimper le yuan contre le dollar, afin de corriger quelque peu le déséquilibre commercial entre les deux nations.
La Chine résiste. Et le Japon est intervenu mi-septembre, pour la première fois depuis six ans, pour freiner la hausse du yen.
Les pays asiatiques émergents sont pris entre deux feux. Comme Pékin garde fermement le contrôle de son taux de changes, leurs devises se sont appréciées plus que le yuan face au dollar, ce qui rend leurs exportations moins compétitives que les chinoises.
Or les devises asiatiques s'apprécient à cause de l'arrivée massive de flux financiers vers les pays émergents. Ces pays offrent en effet des taux de rendement supérieur à ceux des Etats-Unis, d'Europe et du Japon, qui souffrent d'une croissance anémique, note David Carbon (DBS Bank).
Selon l'institut International Finance, installé à Washington, les pays émergents devraient recevoir, en solde net, 825 milliards de dollars en 2010, contre 581 milliards en 2009.
Depuis janvier, les devises asiatiques se sont appréciées de 6% en moyenne face au dollar US, avec en tête le ringgit malaisien et le baht thaïlandais (+9%), selon DBS Bank. Le yuan n'a augmenté que de 2%.
Les banques centrales peuvent intervenir sur les marchés mais elles préfèrent jusqu'à présent ne pas puiser dans leurs réserves en raison des risques d'inflation.
Le ringgit s'échange à un plus haut depuis 13 ans face au dollar, mais la Banque centrale estime que cela reflète la vigueur de la croissance malaisienne (+9,5% au premier semestre 2010). Elle n'interviendra qu'en cas de mouvements brusques, indique-t-elle.
La roupie indienne est à un plus haut depuis deux ans et une intervention n'est pas probable à court terme car la vigueur de sa monnaie aide la Banque centrale à freiner l'inflation.
La Corée du Sud en revanche intervient régulièrement pour ralentir l'ascension de sa devise, selon les cambistes. Ces derniers estiment aussi que la Thaïlande est intervenue en achetant des dollars, lorsque le baht a atteint un plus haut de 13 ans en septembre.
Les autorités philippines ont exprimé leurs inquiétudes sur la hausse du peso, mais indiquent avoir peu de ressources pour aider les exportateurs.
"Les responsables monétaires dans les petits pays asiatiques doivent accepter qu'ils ne peuvent pas faire grand chose face aux décision du G3 (Etats-Unis, Europe, Japon) et de la Chine", déclare Manu Bhaskaran (Centennial Group Inc.)