
Le Conseil constitutionnel a validé jeudi une loi considérée comme une révolution dans le droit social français, celle de la représentativité syndicale, mettant fin à deux ans d'incertitude et levant une lourde hypothèque qui pesait sur l'avenir de la CFE-CGC.
Alors qu'auparavant, cinq confédérations syndicales - CGT, CFDT, CFTC, CFE-CGC et FO - bénéficiaient d'une présomption de représentativité, la loi du 20 août 2008 avalisée par la haute juridiction, fait dépendre la représentativité syndicale du vote des salariés, donnant ainsi une prime aux syndicats les plus puissants.
En vertu de cette loi, fruit d'une négociation qui avait abouti entre la CGT et la CFDT d'un côté, le Medef et la CGPME d'autre part, les syndicats sont représentatifs dans l'entreprise dès lors qu'ils ont obtenu 10% des voix dans l'ensemble des collèges (ouvriers, employés, maîtrise et cadres).
C'est ainsi que FO, la CFTC et la CFE-CGC ne sont plus représentatives au plan national à la SNCF et n'ont plus voix au chapitre.
Pour être représentatifs au niveau d'un secteur professionnel et au niveau national, il faut recueillir 8% des voix, à partir de la totalisation des résultats des élections professionnelles dans les entreprises.
Cette loi est contestée depuis sa promulgation par FO et la CFTC, qui y voient "une atteinte à la liberté syndicale". FO a même saisi à ce sujet l'Organisation internationale du travail, qui ne s'est pas encore prononcée.
Auparavant, les syndicats nationaux ou de branches désignaient des délégués syndicaux dans les entreprises. Désormais, il faut avoir 10% des voix pour avoir un délégué syndical.
Il y a un an, le tribunal d'instance de Brest avait fait sensation en prenant à son compte l'argumentation de FO. Saisie par la CFDT et le ministère du Travail, la Cour de cassation avait cassé ce jugement.
Mais les nouvelles règles pouvaient encore être contestées grâce à la réforme de la Constitution en 2008 autorisant les justiciables à soulever une "question prioritaire de constitutionnalité" (QPC).
Saisie par FO dans une affaire postérieure à celle de Brest, la Cour de cassation s'était tournée vers le Conseil constitutionnel.
Pour valider la loi, les Sages du Palais-Royal ont notamment argué que "la liberté d'adhérer au syndicat de son choix", un principe de valeur constitutionnelle, "n'impose pas que tous les syndicats soient reconnus comme représentatifs indépendamment de leur audience".
Autre point capital, le Conseil a jugé conforme à la Constitution la fixation de règles différentes pour les syndicats non catégoriels et les syndicats catégoriels.
Pour les syndicats non catégoriels, le seuil des 10% des voix s'applique en faisant la moyenne des collèges (ouvriers, employés, maîtrise et cadres).
Pour les syndicats catégoriels, à l'instar de la CFE-CGC chez les cadres, ce seuil est calculé dans les seuls collèges dans lesquels ils ont vocation à présenter des candidats.
Sur ce point, la juridiction du Palais-Royal considère que "le législateur a institué une différence de traitement en lien direct avec l'objet de la loi": mesurer l'audience syndicale au plus près des salariés.
En tranchant en ce sens, le Conseil enlève une épine dans le pied de la CFE-CGC. Son président, Bernard van Craeynest, a exprimé sa satisfaction devant une décision qui lui "permet de poursuivre la construction de son avenir en toute indépendance et avec sérénité".
Cette centrale syndicale n'en est pas moins traversée par des tensions, entre les partisans d'un syndicalisme catégoriel et ceux, autour de la direction actuelle, qui considèrent que l'avenir de la CFE-CGC passe par le dépassement de son caractère catégoriel.