Quatre géants du pétrole ont décidé de se conformer aux nouvelles sanctions contre l'Iran et de cesser toute activité avec ce pays, ont annoncé jeudi les Etats-Unis, soulignant que l'étau se resserrait autour du régime accusé de cacher un programme nucléaire militaire.
Le français Total, l'anglo-néerlandais Shell, le norvégien Statoil et l'italien Eni ont promis de "liquider leurs investissements" et de renoncer à "toute nouvelle activité dans le secteur de l'énergie en Iran", a indiqué James Steinberg, le n°2 de la diplomatie américaine, saluant "un important revers pour l'Iran".
Ces entreprises se mettent ainsi à l'abri de sanctions américaines. A l'inverse, le département d'Etat a lancé des enquêtes visant d'autres compagnies n'ayant pas pris le même engagement.
Les Etats-Unis accusent l'Iran, 4e producteur mondial de brut, de financer son programme nucléaire avec les revenus de son secteur énergétique.
Le président Barack Obama a promulgué en juillet une loi complétant la résolution 1929 de l'ONU, qui impose de nouvelles sanctions à l'Iran dans l'espoir de contraindre ce pays à faire la transparence sur son programme nucléaire.
Selon M. Steinberg, les sanctions ont "un impact de plus en plus important en Iran", notamment dans les secteurs de la finance et des transports.
Jeudi également, des médias nippons ont affirmé que le groupe pétrolier japonais Inpex allait se retirer du plus important gisement pétrolier iranien afin, là encore, d'éviter de possibles sanctions.
Dans les faits, les quatre "majors" citées jeudi à Washington étaient déjà en train de se retirer du pays, à l'instar des autres grands de l'énergie ayant conservé des activités en Iran.
Total, Shell, le turc Tupras, l'indien Reliance et le koweïtien Independent Petroleum Group avaient décidé en juin de suspendre leurs livraisons de produits pétroliers raffinés à l'Iran, selon une liste fournie jeudi par le département d'Etat.
Shell et le britannique BP ont aussi cessé de vendre du kérosène à la compagnie Iran Air.
Et en août, l'Iran avait annoncé l'abandon de deux projets de production de gaz naturel liquéfié (GNL) menés à l'origine par Total et Shell.
Total continue d'acheter du brut iranien car cela est autorisé, a précisé jeudi une porte-parole du groupe français.
Le risque d'être mis sur liste noire par les Etats-Unis et d'autres Etats a conduit des entreprises à anticiper les sanctions, tel les courtiers suisses Vitol, Glencore et Trafigura, qui ont cessé de vendre de l'essence à l'Iran dès mars 2010, suivis en avril par le russe Lukoil.
L'Iran manque de raffineries, et donc d'essence et d'autres produits raffinés.
En-dehors du secteur pétrolier, la même démarche a inspiré le premier constructeur d'automobiles japonais, Toyota, qui a devancé la loi de sanctions japonaise et suspendu dès le 11 août ses exportations vers l'Iran. Toyota a pris en compte l'impact de sa décision sur ses ventes aux Etats-Unis.
"La plupart des grandes entreprises occidentales sont arrivées à la conclusion que faire des affaires en Iran a plus d'inconvénients que d'avantages", analyse pour l'AFP Karim Sadjadpour, de la fondation Carnegie.
Les sanctions, ajoute-t-il, ne sont qu'un des éléments d'un "casse-tête" comprenant aussi "les dangers pour la réputation, le climat politique incertain et l'ENVIRONNEMENT défavorable aux affaires".
Joseph Cirincione, un expert de la non-prolifération du Ploughshares Fund, juge aussi que la stratégie "semble fonctionner", en notant que les grandes puissances et l'Iran devraient reprendre les pourparlers nucléaire à l'automne.