Le gouvernement irlandais risque d'être forcé de procéder à une liquidation coûteuse de la banque en crise Anglo Irish Bank, qu'il maintient en vie à coup de milliards d'euros depuis l'an dernier, son patron craignant désormais un rejet par Bruxelles du plan de restructuration.
Le ministre des Finances Brian Lenihan s'est entretenu ce lundi du sort de la banque avec le commissaire européen à la Concurrence, Joaquin Almunia. Le porte-parole de ce dernier a indiqué à l'AFP que la discussion avait été "constructive", sans plus de détails.
Anglo Irish Bank a annoncé la semaine dernière avoir subi la perte semestrielle la plus élevée jamais essuyée par un groupe irlandais, alimentant les craintes sur la solvabilité du pays, dont les finances sont déjà exsangues. Cette perte est liée aux prêts immobiliers risqués accumulés par la banque avant la crise du crédit, qui avaient conduit l'Etat à la nationaliser début 2009.
Pour sortir de ce bourbier, trois solutions sont à l'étude. La première, défendue par le gouvernement et la direction de la banque, consiste à la scinder en deux entités, une "bonne" (qui reprendrait seulement ses activités saines, soit moins de 20% de son bilan) et une "mauvaise" banque.
Cette scission s'étalerait sur plusieurs années. Dublin affirme que cela permettrait de contenir la facture totale pour l'Etat autour de 25 milliards d'euros, guère plus que les 22,88 milliards qu'il a déjà versés à l'institution.
La deuxième OPTION consisterait à liquider progressivement la banque, sur plusieurs années, afin d'éviter une vente à prix bradés de ses actifs. Cela pourrait gonfler le coût pour l'Etat de 4 à 5 milliards d'euros supplémentaires.
Enfin, la dernière solution, de loin la plus coûteuse pour les contribuables, serait de procéder à une liquidation immédiate du groupe, afin de tirer un trait définitif sur ce FOYER de problèmes. Mais une telle option aurait un coût exorbitant pour les autorités, avec une facture finale qui pourrait grimper autour de 45 milliards d'euros.
Mais, ces derniers jours, l'hypothèse d'une scission de la banque a pris du plomb dans l'aile, au profit de celle beaucoup plus radicale d'une liquidation.
Au sein de la classe politique, les appels à la liquider se sont multipliés, y compris jusque dans les rangs de la majorité. Les écologistes du Green Party, alliés du parti centriste Fianna Fail du premier ministre Brian Cowen, défendent une liquidation progressive.
Et vendredi, le ministre de l'Innovation Conor Lenihan, frère de Brian Lenihan, a affirmé au quotidien The Independent qu'il fallait démanteler la banque "le plus vite possible".
Enfin, le propre patron de la banque, Mike Aynsley, a reconnu dimanche, dans un entretien au Sunday Business Post, que la Commission semblait s'acheminer vers un rejet du plan de scission, et privilégiait une liquidation.
Dans ce contexte, le gouvernement semble réduit à devoir négocier avec Bruxelles une liquidation en douceur de la banque.
Brian Lenihan a assuré lundi que, quoi qu'il arrive, les déboires de la banque ne mettraient pas l'Irlande en faillite. De son côté, la commission européenne a indiqué que le dossier suivait son cours, sans dire quand elle pourrait trancher.
Le temps presse, car les investisseurs, qui craignent que les déboires de la banque ne sapent la solvabilité du pays, risquent de s'impatienter.
"L'incertitude sur le destin d'Anglo Irish, et surtout sur son coût pour l'Etat, continue d'alimenter un sentiment négatif envers l'Irlande sur les marchés financiers", a souligné lundi Emer Lang, analyste à la maison de courtage Davy, dans une note à ses clients.
M. Lang espère du coup une clarification "au plus vite" sur l'avenir de la banque, d'autant que le secteur bancaire irlandais se prépare, en parallèle, à à une épreuve importante : les principales banques du pays doivent refinancer dans le mois qui vient des dizaines de milliards de livres d'emprunts obligataires, qu'elles doivent rembourser.