L'autorité américaine de régulation des marchés financiers, la SEC, a accusé mardi l'agence d'évaluation Moody's d'avoir commis et caché des erreurs manifestes dans la notation de certains titres de dette, et mis en garde contre les agences de notation en général.
L'erreur ne concerne pas un produit échangé aux Etats-Unis, mais la SEC a prévenu les investisseurs américains qu'ils devaient se méfier des notations accordées par les agences comme Moody's.
Elle a indiqué dans un communiqué avoir "publié un rapport mettant en garde les agences de notation au sujet de pratiques de notation trompeuses et leur rappelant l'importance de contrôle internes suffisants au sujet des politiques, procédures et méthodologies qu'utilisent ces entreprises pour déterminer les notes de dette".
Elle a cependant ajouté que dans le cas de l'erreur, elle ne pousserait pas plus loin son enquête car elle n'en a pas la compétence légale.
"D'après le rapport, un analyste de Moody's a découvert début 2007 qu'une erreur dans un programme informatique avait relevé de 1,5 à 3,5 crans le modèle utilisé pour déterminer les notes de dette pour certains" produits dérivés de titres de dette, appelés CPDO, a indiqué la SEC.
"Néanmoins, peu de temps après, lors d'une réunion en Europe, un comité de notation de Moody's s'est prononcé contre la proposition de corriger les notes, en partie à cause des conséquences négatives" qu'entrainerait une telle décision "sur la réputation de Moody's", a ajouté la SEC.
Cette admonestation, sans conséquence à ce stade, pourrait coûter cher à Moody's si elle était suivie d'autres. La loi de réforme de la régulation financière promulguée en juillet donne en effet à la SEC le pouvoir de suspendre l'activité aux Etats-Unis d'agences de notation qui commettraient des erreurs manifestes et répétées.
"Les investisseurs se fient aux déclarations que les agences de notation font dans leurs demandes d'accréditation et rapports soumis à la Commission, en particulier ceux qui déterminent comment elles établissent leurs notes de dette", a indiqué un responsable de la SEC, Robert Khuzami, cité dans le communiqué.
"Il est crucial que les agences prennent les mesures nécessaires pour s'assurer de l'exactitude de ces déclarations", a-t-il ajouté.
Révélée dans la presse dès 2008, l'affaire avait déjà été évoquée en juin devant la Commission d'enquête sur la crise financière, une entité indépendante dont les conclusions sont attendues à la fin de l'année.
Les CPDO ("Constant Proportion Debt Obligations") sont des dérivés complexes bâtis à partir d'autres dérivés, les CDS ("Credit Default Swaps"). Inventés en 2006 par la banque néerlandaise ABN Amro, ils permettaient aux investisseurs d'investir à long terme sur la possibilité de profiter du maintien à un niveau élevé de la notation de certains titres de dette.
Leur valeur s'est effondrée très rapidement avec la crise financière, et ce produit a disparu de la circulation.
Dans une étude publiée en mai, deux économistes de la banque centrale américaine, Michael Gordy et Sren Willemann, qualifiaient les CPDO d'"exemples monstrueux des excès de l'ingénierie financière sur le marché du crédit", montrant les lacunes inhérentes au processus de notation.
Ils révélaient que Moody's et sa concurrente Standard and Poor's leur attribuaient régulièrement la note "AAA", mais tout au plus une probabilité d'une sur dix millions aux événements qui se sont produits sur les marchés du crédit en 2008.