La bataille pour la domination du marché des engrais s'est intensifiée mercredi, le géant minier BHP Billiton ayant décidé de lancer une OPA hostile sur le groupe canadien Potash Corp, qui avait repoussé mardi avec vigueur ses avances, et pourrait l'obliger à surenchérir.
Passant outre la direction de Potash, qui avait refusé mardi d'approuver la proposition de rachat présentée par BHP Billiton, la jugeant grossièrement sous-évaluée, le conglomérat minier anglo-australien a décidé de s'adresser directement aux actionnaires de sa cible, en lançant une offre publique d'achat hostile sur le groupe canadien, qui se déroulera du 20 août au 19 octobre.
Billiton propose d'acquérir l'ensemble des actions de Potash Corp au prix unitaire de 130 dollars US, payable entièrement en numéraire.
Cette offre valorise la totalité du capital de Potash Corp autour de 40 milliards de dollars, soit environ 31 milliards d'euros, et représente une prime de 32% par rapport au cours du groupe avant la tentative de rachat, a calculé BHP. Le groupe s'est fixé comme condition de réussite l'obtention de plus de 50% du capital de sa cible.
En mettant la main sur le groupe canadien, BHP Billiton espère dégager des synergies industrielles importantes. La potasse est en effet extraite dans des mines, comme les autres matières premières produites par le géant anglo-australien.
Et surtout, il veut se renforcer dans le marché très prometteur des fertilisants agricoles.
Potash Corp est le premier producteur mondial de potasse, un élément indispensable au développement des plantes et dont la consommation ne cesse d'augmenter, tirée par la croissance des pays émergents, qui encourage les agriculteurs de la planète à augmenter sans cesse leurs rendements.
BHP Billiton, qui produisait déjà de la potasse, avait commencé à avancer ses pions au printemps, en mettant la main sur un petit compatriote de Potash Corp, API, pour 320 millions de dollars.
Alors que Potash avait jugé son offre trop faible, BHP a au contraire assuré qu'elle était très attractive.
Mais faute d'accord avec la direction de Potash, il risque d'avoir du mal à convaincre ses actionnaires de lui apporter leurs titres, et il pourrait être obligé de relever le montant de son offre, pourtant déjà colossal, pour les séduire, ont prévenu les analystes.
Mardi, le cours du groupe canadien s'est envolé de 28%, et s'est ancré au-dessus de 140 dollars, bien au-delà du montant offert par BHP.
D'après la maison de courtage Ambrian, BHP Billiton pourrait relever son offre jusqu'à 160, voire 200 dollars par action, soit environ 60 milliards de dollars au total, sans trop dégrader son bilan financier.
A la fin du premier semestre, sa dette nette s'élevait à seulement 7,9 milliards de dollars, contre 12 milliards pour son compatriote et rival Rio Tinto, et 17,7 milliards pour le brésilien Vale.
"BHP Billiton a la puissance de feu pour relever son OPA, s'il le voulait", mais "le coût nécessaire pour conclure un accord de rachat amical semble trop élevé", a mis en garde mercredi Heath Jansen, analyste chez Citigroup.
Enfin, BHP doit également se méfier d'une éventuelle contre-offre de Rio Tinto. Toutefois, Ambrian juge peu probable que de dernier prenne le risque de se lancer dans une bataille boursière, alors qu'il n'a pas fini de digérer l'acquisition très coûteuse du numéro un de l'aluminium Alcan, et qu'il vient de céder sa division potasse à Vale.