Au bureau d'ingénieurs Fahrion, les plus de 50 ans suivent des formations; chez le fabricant de pompes KSB, les plus âgés sont dispensés du quart de nuit: les entreprises allemandes s'adaptent à une main-d'oeuvre vieillissante.
A la fin des années 90, Fahrion, qui emploie 80 personnes, faisait face à des difficultés de recrutement et a publié des petites annonces explicitement destinées aux plus âgés. "C'était une révolution", se souvient le patron Jens Fahrion, "mais tout d'un coup nous avons reçu plein de candidatures, et des très bonnes".
Pour la société, qui emploie des ingénieurs spécialisés dans la planification d'usines et de chaînes de production, âgé rime avec expérimenté. "On n'a pas besoin de les former trop longtemps, voire pas du tout", se félicite M. Fahrion. Un tiers des salariés a maintenant plus de 50 ans, certains flirtent avec les 65 ans.
Armin Zisgen est chef du personnel de KSB, fabricant de pompes et de valves qui emploie 5.000 personnes en Allemagne, dont un tiers ont plus de 50 ans et 140 plus de 60 ans, "une proportion qui va croître". Lui non plus ne tarit pas d'éloges sur sa main-d'oeuvre à cheveux blancs.
Mais il passe aussi une partie de son temps à se demander "comment motiver les salariés à travailler plus longtemps", en aménageant leurs horaires ou en supprimant le quart de nuit à partir d'un certain âge, ajoute-t-il.
"Les entreprises se rendent compte qu'elles doivent apprendre à maintenir leurs salariés en bonne santé et motivés", explique Susann Kocura, de la Fondation Becker, un institut qui a élaboré un certificat délivré aux entreprises les plus accueillantes pour les seniors.
Car eux aussi vont devenir une denrée recherchée sur le marché du travail. Déjà, "les perspectives d'emploi des plus de 55 ans évoluent beaucoup mieux que celles de jeunes", analyse Karl Brenke, de l'institut de recherche économique DIW.
Le taux d'activité des plus de 55 ans a fortement augmenté ces dernières années, selon les chiffres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), passant de 36,8% en 1990 à près de 54% en 2008.
L'Allemagne est toujours à la traîne par rapport aux pays scandinaves ou aux Etats-Unis, mais s'est illustrée ces dernières années par "une croissance très rapide" de l'emploi de ses salariés âgés, explique M. Brenke.
Et devance maintenant de loin des voisins comme la France, la Belgique ou encore la Pologne, qui affichent des taux inférieurs à 40%.
Si Fahrion, KSB et les autres accueillent les seniors à bras ouverts, c'est avant tout par nécessité. La main d'oeuvre qualifiée est déjà une denrée rare dans beaucoup de régions allemandes, et la natalité en berne laisse présager une aggravation du problème dans les années à venir.
"Au vu du nombre important de salariés âgés bien formés et de la pénurie de main d'oeuvre qui s'aggrave, pas besoin d'être un prophète pour prédire que la tendance (à l'activité des plus âgés) va se poursuivre", jugeait cette semaine la ministre de l'Emploi Ursula von der Leyen.
Les salariés qui atteignent de nos jours le seuil des 55 ans sont issus du baby boom des années 1950 et 1960. Ils sont mieux qualifiés que les générations précédentes, et moins susceptibles d'exercer une activité physique éprouvante, explique M. Brenke du DIW. Autant de choses qui font qu'ils restent plus longtemps en poste.
De toute façon, l'âge de la retraite va graduellement passer à 67 ans, en vertu d'une réforme adoptée en 2007 et destinée à éviter l'écroulement d'un système mis à mal par une espérance de vie toujours plus longue et un rétrécissement de la population active.