
Le gouvernement donne cette semaine le coup d'envoi officiel de l'élaboration du budget 2011, pris en tenailles entre la nécessité de concilier rigueur et relance de l'économie, un exercice à haut risque résumé par son nouveau concept de "ri-lance".
Lors du débat d'orientation budgétaire prévu mardi à l'Assemblée nationale, puis jeudi au Sénat, il va préciser comment il entend résoudre cette équation budgétaire, a priori sans solution.
La ministre de l'Economie, Christine Lagarde, a usé dimanche d'un néologisme pour qualifier la politique française de sortie de crise: la "ri-lance", contraction de "rigueur" et "relance".
"Un subtil dosage", selon elle, qui consiste à "réduire la dépense publique là où ce sera le moins douloureux pour la perspective de relance de l'activité économique".
Les premiers à goûter ce savant mélange seront les différents ministères. Matignon doit en effet leurs envoyer en début de semaine les "lettres plafonds", synthétisant les crédits qu'ils seront autorisés à dépenser.
Le régime général est déjà connu: les marges de manoeuvre sont quasi nulles, et presque tous les ministères seront mis à la diète.
Le gouvernement, qui s'est engagé coûte que coûte à ramener son déficit public de 8% du produit intérieur brut (PIB) cette année, un record, à 6% en 2011 et 3% en 2013, a annoncé la couleur: les dépenses de l'Etat, hors charge de la dette et pensions de retraites, seront maintenues au même niveau qu'en 2010.
La Défense devrait être partiellement épargnée: son budget triennal pourrait in fine être amputé de seulement 1,5 milliard d'euros par rapport à ce qui était prévu jusqu'ici, contre 5 milliards si le ministère s'était vu appliquer à la lettre ce gel des dépenses.
Parmi les autres exceptions, Le Figaro citait lundi les budgets de l'enseignement supérieur et la recherche, mais aussi de l'aide publique au développement.
En réduisant de 10% les dépenses de fonctionnement de l'Etat et de ses opérateurs, le gouvernement espère économiser 2 milliards d'euros d'ici 2013.
La baisse programmée de 10% des crédits d'intervention, ces aides économiques et sociales (emploi, logement, etc.) qui représentent 66 milliards d'euros au total, doit, elle, permettre une économie d'environ 5 milliards d'euros sur la période.
Reste à connaître les arbitrages du gouvernement, qui a promis de ne pas pénaliser l'emploi et les ménages les plus fragiles.
Le rapporteur général UMP du budget à l'Assemblée, Gilles Carrez, a appelé lundi à des "choix difficiles mais nécessaires", suggérant, par exemple, le gel systématique des prestations comme les aides au logement ou la restriction des hausses de primes pour les fonctionnaires.
Un gel du point d'indice des salaires des fonctionnaires est pour l'instant acté, pour l'an prochain.
Mais tout en coupant dans les dépenses, et en augmentant au passage les impôts via un coup de rabot aux niches fiscales, le gouvernement doit prendre garde de ne pas tuer la reprise dans l'oeuf.
"Cette équation entre rigueur et relance est intenable, il faut faire soit l'un soit l'autre", estime Alexander Law, économiste chez Xerfi. Selon lui, le gouvernement aurait dû attendre quelques mois avant d'annoncer une politique d'austérité. Car "les marchés sanctionneront de toute façon toute déception sur la croissance", juge-t-il.
Le gouvernement s'accroche toujours jusqu'ici à une prévision de croissance de 2,5% dès l'an prochain, pourtant jugée trop optimiste par de nombreux économistes et institutions internationales. Il pourrait la revoir en août, au vu des chiffres du deuxième trimestre. Et devoir annoncer au passage, de nouvelles mesures d'austérité.