Le Bélarus a annoncé avoir réglé la totalité de sa dette gazière envers le russe Gazprom mais a menacé de couper le transit de gaz vers l'Union européenne si Moscou ne règle pas sa facture d'ici à jeudi 07H00 GMT, cependant que la Lituanie subit déjà les conséquences du conflit.
"Dans un geste de bonne volonté, aujourd'hui à 16H00 (13H00 GMT), après avoir emprunté (de l'argent), (...), nous avons versé 187 millions de dollars pour rembourser notre dette à Gazprom", a déclaré mercredi soir le vice-Premier ministre bélarusse Vladimir Semachko.
"Mais maintenant, c'est notre droit, et je demande à Gazprom de payer à (la compagnie publique, ndlr) Beltransgaz 260 millions de dollars d'ici à 10H00 (07H00 GMT) demain (jeudi)", a-t-il précisé, ajoutant que si cela n'était pas fait, le Bélarus couperait le transit d'hydrocarbures à travers son territoire.
De son côté, le géant russe Gazprom a indiqué ne pouvoir confirmer pour l'heure le remboursement de la dette de Minsk.
Gazprom reproche au Bélarus de régler ses importations de gaz à un prix inférieur à celui qui est prévu dans le contrat. Depuis lundi, le groupe a réduit progressivement ses livraisons à Minsk, passant à 60% mercredi, et prévenu qu'il pourrait aller jusqu'à 85% en l'absence d'un accord.
Il a toutefois indiqué mercredi que le Bélarus avait réglé sa facture de mai selon les nouveaux tarifs fixés (260 millions de dollars), s'empressant d'ajouter que Minsk devait aussi "immédiatement" rembourser le reste de ses arriérés.
Mardi, le Bélarus avait annoncé qu'il allait interrompre le transit en direction de l'Europe et prélever du gaz destiné aux Européen, puis indiqué dans la soirée avoir commencé à le faire.
La compagnie lituanienne de gaz Lietuvos Dujos a annoncé mercredi que les livraisons de gaz à la Lituanie et à l'enclave russe de Kaliningrad via le Bélarus avaient déjà chuté de plus de 40%.
De son côté, la Commission européenne a fait état de chute d'"environ 50%" en Lituanie, et s'est dite "très préoccupée".
Par la voix de son commissaire à l'Energie, l'Allemand Günter Oettinger, elle a déclaré que la réduction de livraisons de gaz russe à la Lituanie constituait une "attaque" contre toute l'UE, et exhorté le Bélarus et la Russie à régler "dans les prochains jours" leur différend.
Cependant, une experte du gouvernement régional de Kaliningrad a affirmé que les livraisons de gaz à cette enclave russe à travers le Bélarus et la Lituanie se faisaient "à plein régime".
Gazprom s'était aussi voulu rassurant vis-à-vis de ses clients, notamment européens.
"Le transit du gaz russe à travers le territoire bélarusse s'opère à plein volume et les utilisateurs n'auront aucun problème de livraison", avait déclaré mercredi matin le patron du groupe, Alexeï Miller.
Les Européens avaient déjà subi en janvier 2009 une interruption de deux semaines des livraisons russes, à la suite d'un conflit entre la Russie et l'Ukraine.
De l'avis général, la crise actuelle paraît toutefois moins grave qu'en 2009 pour l'Europe, car elle concerne des volumes de gaz moins importants et parce qu'elle intervient à un moment de demande relativement faible (période estivale et crise économique). De plus, le gaz russe pourrait transiter par d'autres voies que le Bélarus, notamment par l'Ukraine.
Pour Chris Weafer, analyste de la banque Uralsib, le conflit nuit clairement à "l'image déjà quelque peu écornée de Gazprom en Europe" et encouragera l'UE à "renforcer ses efforts de diversification des importations".
Pour la presse russe, cette nouvelle "guerre du gaz" s'explique surtout par le refus du Bélarus d'adhérer à une union douanière, un projet voulu par Moscou et qui peine à démarrer.