BP a poursuivi jeudi sa descente aux enfers boursière, portant à un certain moment à 50% la chute de sa valeur depuis le début de la marée noire dans le Golfe du Mexique, plombé par des pressions croissantes aux Etats-Unis pour qu'il suspende le paiement de dividendes à ses actionnaires.
L'action du groupe a dégringolé jusqu'à 15,7% jeudi en début d'échanges à la Bourse de Londres, à 330 pence, avant de réduire ses pertes en fin de compte à 6,65% sur la journée, terminant à 365,5 pence.
Les titres échangés à New York ont enregistré un net rebond (+12,26% à 32,78 dollars) après avoir dévissé de près de 16% la veille, à leur plus bas depuis 14 ans.
Au pire de la journée, la chute de BP depuis l'explosion et le naufrage en avril de sa plateforme Deepwater Horizon, à l'origine de la pire marée noire jamais arrivée aux Etats-Unis, a atteint 50%.
Selon des courtiers, cette chute a été alimentée par un faisceau grandissant d'incertitudes liées à la marée noire.
Les investisseurs craignent de plus en plus que le géant pétrolier ne soit contraint de suspendre le paiement de dividendes à ses actionnaires, pour apaiser l'opinion publique américaine, sous une pression de plus en plus intense de la Maison blanche.
Les sommes en jeu sont colossales: BP verse chaque année plus de 10 milliards de dollars aux porteurs de ses actions, qui comprennent de nombreux petits épargnants et autres retraités britanniques.
Et ils s'inquiètent plus largement de l'impact financier de la catastrophe, qui pourrait se chiffrer en dizaines de milliards de dollars. Ce jeudi, BP a indiqué que la marée noire lui avait coûté jusqu'ici près d'un milliard et demi de dollars, mais a répété qu'il était trop tôt pour évaluer la facture finale.
Pour les analystes de Morgan Stanley, en faisant chuter le cours du groupe, les investisseurs envoient à BP un message très clair, le poussant "à dévoiler ses cartes rapidement en matière de dividendes, sans attendre ses résultats trimestriels du 27 juillet, pour apaiser le gouvernement américain".
Selon eux, "le marché a déjà intégré une réduction importante et une suspension des paiements de dividendes", et le groupe ferait donc mieux de céder du terrain sur cette question, plutôt que de se mettre à dos les Américains, en traînant des pieds.
De son côté, Citigroup observe qu'avec une trésorerie qui devrait dépasser 40 milliards de dollars par an de 2011 à 2013, BP aura largement de quoi continuer à rétribuer ses actionnaires, tout en assumant le coût de la catastrophe.
Mais "le dividende est devenu un problème politique" et "suspendre le dividende pendant un trimestre pour apaiser les politiciens pourrait être une bonne stratégie", a estimé la banque.
BP a tenté sans succès de calmer l'hémorragie de son cours, disant ne voir "aucune raison" justifiant un tel effondrement tout en continuant à éluder la question de ses dividendes.
L'affaire commençait en tout cas à inquiéter la classe politique britannique.
Le maire de Londres, le conservateur Boris Johnson, a déploré jeudi la montée d'une "rhétorique anti-britannique" aux Etats-Unis, devenue selon lui "un motif d'inquiétude national", vu l'importance des dividendes de BP pour les retraités britanniques. Ce qui a poussé le premier ministre David Cameron à monter au créneau, en indiquant qu'il évoquerait la marée noire lors de son prochain coup de téléphone à Barack Obama, prévu ce week-end.
Jeudi soir, John Napier, le président de deux compagnies du Foostie-100, RSA et Aegis, a appelé dans une lettre ouverte le président Obama à tenir des propos plus équilibrés sur BP et à montrer qu'il savait lui-même "supporter la pression".