
Contrôle des budgets nationaux renforcé, fonds de soutien européen : le gouvernement économique de l'Europe prend lentement forme mais l'idée française d'institutionnaliser les réunions des dirigeants des seuls pays de la zone euro suscite encore la controverse.
La crise sans précédent qui secoue la zone euro permet des avancées inédites.
Lundi, les Européens ont finalisé la création d'un fonds de soutien d'une ampleur historique de 440 milliards d'euros de garanties de prêts pour les pays utilisant la monnaie unique qui, comme la Grèce, seraient confrontés à de graves difficultés financières.
En le mettant définitivement sur pied, l'Europe comble une lacune de naissance de la zone euro: aucun mécanisme d'entraide financière entre pays de l'Union monétaire n'était prévu.
Ce fond d'urgence est prévu pour durer trois ans, mais les Européens réfléchissent à le pérenniser sous une forme ou une autre.
Par ailleurs, ils avancent aussi sur un autre terrain: le renforcement de la coordination et de la surveillance des politiques économiques nationales.
Les ministres des Finances, sous l'autorité du président de l'UE Herman Van Rompuy, se sont mis d'accord lundi sur des propositions concrètes pour durcir la discipline budgétaire.

Initiative controversée: ils ont notamment accepté le principe de faire examiner à l'avenir les grandes lignes de leurs projets de budgets nationaux par l'UE au printemps de chaque année, avant qu'ils ne soient discutés ou adoptés par les Parlements nationaux.
Cette mesure avait été proposée par la Commission européenne à la mi-mai mais s'était heurtée jusqu'ici à l'opposition de certains gouvernements.
La Grande-Bretagne y reste largement hostile. "Le budget sera présenté d'abord au Parlement", a martelé mardi le secrétaire d'Etat britannique au Trésor, Mark Hoban.
Les ministres des Finances veulent aussi créer de nouvelles sanctions contre les pays trop endettés, même lorsque la limite actuelle de 3% du PIB fixée par le Pacte de stabilité pour les déficits publics n'est pas encore dépassée.
En revanche, l'idée d'instaurer un gouvernement économique institutionnalisé des dirigeants de la seule zone euro, qui semblait avoir regagné du terrain sous l'impulsion de la France, suscite des divisions persistantes.
L'idée serait de pérenniser les réunions des chefs d'Etats et de gouvernements des pays de l'union monétaire en dotant le forum d'un secrétariat permanent et d'un président.
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a laissé entendre la semaine dernière qu'il y était opposé. Il y voit un risque de "confusion".
L'Allemagne, elle, est depuis longtemps sceptique. Elle insiste pour englober les 27 pays de toute l'UE dans la gouvernance économique.
Ce sujet devait être déjà abordé lundi lors d'une rencontre entre la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy. Mais celle-ci a été annulée en dernière minute, officiellement pour des raisons de calendrier surchargé.
Selon le quotidien allemand Handelsblatt de mardi, la réunion a été reportée également en raison des tensions que suscite l'idée de ce gouvernement économique.
"Ce qui pose problème côté allemand c'est le côté institutionnalisé (avec un secrétariat, ndlr) et le côté club réservé à la zone euro", souligne une source diplomatique allemande.
M. Van Rompuy, qui semble vouloir éviter de raidir Mme Merkel, est quant à lui réservé, selon une autre source diplomatique.
"Il préfèrerait continuer sur la voie pragmatique" actuelle consistant à ne convoquer des réunions des dirigeants de la zone euro que lorsque c'est nécessaire, pour ne pas créer "de nouvelles institutions", estime cette source.