
La visite impromptue jeudi à Pékin du secrétaire américain au Trésor Timothy Geithner a renforcé les spéculations sur une appréciation prochaine de la monnaie chinoise, un dossier qui empoisonne les relations bilatérales.
Plusieurs responsables économiques chinois ont envoyé des signaux ces dernières semaines, laissant présager que Pékin pourrait élargir la bande de fluctuation du "renminbi" (monnaie du peuple), établi en 2008 avant la crise économique mondiale.
Les Etats-Unis et d'autres partenaires commerciaux majeurs de la Chine n'ont cessé de faire pression pour une appréciation du yuan (autre nom de la monnaie chinoise), jugeant qu'il était sous-évalué et que cela donnait au pays asiatique un avantage indu en rendant ses exportations moins chères.
Lors de sa visite, M. Geithner a eu un entretien d'une heure quinze à l'aéroport de Pékin avec le vice-Premier ministre chinois chargé des affaires économiques Wang Qishan.
Pékin et Washington ont dans la foulée publié deux brefs communiqués quasiment identiques expliquant que MM. Geithner et Wang avaient évoqué les relations économiques bilatérales et la situation mondiale, mais ne mentionnant pas explicitement le yuan.
Mais le Wall Street Journal cite un responsable américain non identifié selon lequel cette question a été évoquée et la discussion a été "constructive".
Selon cette source, les Etats-Unis espèrent voir la Chine bientôt agir, même s'ils ne s'attendent pas que Pékin les prévienne de mesures spécifiques, ce qui laisserait penser que la Chine cède aux pressions.

Le responsable a toutefois insisté sur le fait qu'aucune percée n'avait été obtenue jeudi sur cette question.
MM. Geithner et Wang ont également parlé de la préoccupation des sociétés américaines qui s'estiment victimes de discrimination sur l'immense marché asiatique, au profit des entreprises locales, selon le WSJ.
"Il semble de plus en plus probable qu'un changement aura lieu bientôt, avec un premier mouvement dans les prochaines semaines, voire les prochains jours", a jugé RBC Capital Markets dans une récente note.
Pour les analystes de Citigroup qui jugent "probable" un élargissement de la bande de fluctuation, une appréciation du yuan devrait intervenir au deuxième trimestre.
Jeudi, Xia Bin, conseiller du gouvernement et de la Banque centrale, a dit qu'un changement de politique était possible, jugeant que Pékin pouvait revenir au système flottant d'avant la crise maintenant que le plus dur est passé.
Cependant, il a déclaré qu'il ne fallait pas s'attendre à plus. "Si le renminbi devait s'apprécier considérablement sur une courte période, quels seraient les avantages pour les Etats-Unis ou la Chine?"
Cette semaine, Ba Shusong, économiste dans un centre de recherches dépendant du gouvernement, a estimé que cet élargissement était conditionné à la vigueur de la reprise économique en Chine et aux Etats-Unis.
Le yuan est de fait réarrimé au dollar depuis l'été 2008 (à 6,80 pour un dollar), alors que son taux de change est censé être calculé selon un panier de devises --à la composition non précisée-- et fluctuer quotidiennement dans une fourchette délimitée.
La fourchette est de plus ou moins 0,5% vis-à-vis du dollar par rapport au cours pivot fixé chaque matin par la Banque centrale et de plus ou moins 3% contre les autres devises.
Au nom de la fragile santé retrouvée du secteur exportateur, le ministère du Commerce semble opposé pour le moment à une reprise de l'appréciation de la monnaie chinoise tandis que, traditionnellement, des voix s'élèvent à la Banque centrale en faveur d'une plus grande flexibilité du taux de change.