
Les subventions européennes versées aux pêcheurs ont en partie encouragé la surexploitation des stocks de poisson et le maintien de capacités de pêche excessives par rapport aux ressources disponibles, selon une étude publiée mercredi.
Cette enquête réalisée par l'ONG Pew Environment Group et la société de conseil britannique Poseidon dans dix Etats de l'UE a porté sur quelque 93% des 4,9 milliards d'euros versés au titre de l'instrument financier d'orientation de la pêche (Ifop) entre 2000 et 2006.
"Le lien entre les subventions à la pêche et la surexploitation des stocks est clair", estime Tim Huntington, consultant chez Poseidon.
Si plus de la moitié des fonds versés (54%) ont eu un impact neutre, quelque 29% ont contribué à l'augmentation des capacités de pêche (modernisation des navires ou construction de nouveaux principalement), alors que seuls 17% ont effectivement permis la réduction des capacités (primes à la casse notamment), selon l'étude.
L'argent a davantage servi à moderniser et à construire des navires de plus de 24 mètres qu'à en détruire, alors que la proportion s'inverse dans le cas de la pêche côtière artisanale de moins de douze mètres, selon l'étude.
Sur cette même période, quelque 3.000 navires de pêche ont bénéficié d'aides à la construction (les trois quarts en Espagne), et 8.000 autres ont bénéficié d'aides à la modernisation. Seuls 6.000 navires, dont beaucoup étaient des petits bateaux de pêche côtière grecs et italiens, ont bénéficié d'aides à la casse.
La pêche au thon rouge, par exemple, a bénéficié en France et en Espagne de 7,4 millions d'euros d'aides à la construction et à la modernisation de navires, contre seulement 1,7 million d'euros d'aides à la casse, selon l'étude qui se fonde notamment sur les données du site http://www.fishsubsidy.org.
Le site révèle notamment que les thoniers français des ports de Sète, Marseille ou Port-Vendres ont ainsi continué de bénéficier de centaines de milliers d'euros de subventions pour construire ou moderniser des navires de 30 à 40 mètres entre 2000 et 2006.

Le même site avait permis de recouper qu'environ 13,5 millions d'euros de subventions ont été versées entre 1994 et 2006 à des navires reconnus coupables d'infractions aux règles de la politique commune de la pêche dans les eaux italiennes, françaises et espagnoles.
Les problèmes recensés ont en partie corrigés par la réforme de 2002 et le Fonds européen pour la pêche (2007-2013), qui a notamment aboli les subventions à la construction de navires, s'est défendue mercredi la Commission.
Selon Pew, certains Etats ne sont néanmoins pas très regardants quand il s'agit de distribuer les aides à la modernisation, en théorie conditionnées à un meilleur respect de l'environnement.
Par ailleurs, à la faveur de ce changement de programme, "la transparence a été abolie", déplore Markus Knigge, de Pew.
De fait, alors que les données étaient auparavant fournies par la Commission, précisant notamment le nom du navire concerné, elles sont aujourd'hui diffusées par les Etats de façon nettement moins détaillée. Et ne permettent plus d'établir des recoupements avec le fichier de la flotte européenne.
Bruxelles reste "conscient qu'il y a encore de la marge pour améliorer la façon dont les subventions européennes contribuent à une pêche durable", a reconnu un porte-parole. C'est d'ailleurs l'un des enjeux de la nouvelle réforme de la pêche en discussion.