(AOF / Funds) - Entre 2000 et 2007, le solde budgétaire total des administrations publiques a évolué plus favorablement en Espagne qu'en Allemagne et que dans la zone euro. Entre 2005 et 2007, le pays a enregistré un excédent budgétaire de 1,6 % du PIB en moyenne, contre un déficit de 1,6 % pour l'Allemagne et 1,5 % pour la zone euro. De son côté, la dette publique a baissé jusqu'en 2007 pour atteindre 36,1 % du PIB (contre 64,9 % pour l'Allemagne et 66 % pour la zone euro).
Cependant, la crise économique a mis un coup d'arrêt à ce mouvement. La forte contraction de l'activité s'est traduite par une baisse brutale des recettes fiscales et une augmentation des dépenses publiques (allocations chômage principalement). En outre, les autorités ont mis en place, dès 2008, un plan de relance budgétaire (Plan E) visant à limiter la contraction de l'activité. Le montant total du plan s'élève désormais à 50 milliards d'euros, soit environ 5 % du PIB. Avec un déficit budgétaire total qui s'élève à 11,2 % du PIB en 2009, l'Espagne fait partie des trois pays de la zone euro - avec la Grèce et l'Irlande - qui enregistrent un déficit supérieur à dix points de PIB. De son côté, la dette - qui demeure toutefois parmi les plus faibles de la zone euro - a progressé de manière spectaculaire (+ 14,6 points de PIB entre 2008 et 2009), passant de 39,7 % à 54,3 % du PIB (contre 78,2 % pour la zone euro). En 2010, le PIB pourrait stagner, après une contraction de 3,6 % en 2009.
Afin d'éviter un alourdissement significatif du coût de la dette, le gouvernement a donc présenté un plan d'austérité pour 2010 et 2012. Il prévoit notamment de mettre fin à certaines mesures exceptionnelles (prime à la casse, par exemple), d'abaisser les dépenses (gel des salaires des hauts fonctionnaires, hausse limitée des salaires dans l'ensemble de la fonction publique, embauche d'un fonctionnaire pour dix départs en retraite...) et d'augmenter les recettes. Le gouvernement entend ainsi relever le taux de certains impôts (TVA, impôt sur les plus-values...) et revenir sur certaines déductions fiscales (sur l'impôt sur le revenu, sur les intérêts d'emprunts immobiliers...). D'après lui, ces mesures pourraient conduire le déficit budgétaire à 3 % du PIB en 2013. Toutefois, ses hypothèses de croissance nous paraissent quelque peu optimistes, notamment pour 2011 (1,8 %, contre environ 1,1 % pour BNP Paribas). Plus fondamentalement, ces mesures - jugées crédibles par les agences de notation et favorablement accueillies par les marchés - interviennent alors même que le pays n'est pas encore sorti de la récession. Ces mesures pourraient donc, à court terme, peser sur la demande intérieure et se traduire par des recettes fiscales moins importantes que prévu.
A court et moyen termes, le chômage constitue en outre un risque majeur pour les finances publiques espagnoles. En raison de la forte détérioration conjoncturelle, de l'exposition de l'Espagne à certains secteurs cycliques (construction, tourisme, industrie) et de la proportion élevée d'emplois temporaires dans l'économie (plus de 20 % du total des emplois), la dégradation du marché du travail a été particulièrement brutale. Entre le début de l'année 2008 et le quatrième trimestre 2009, le nombre de chômeurs a pratiquement doublé, passant de 2,2 millions à 4,3 millions. D'après l'INE (Instituto Nacional de Estadistica), le taux de chômage a atteint 18,8 % au quatrième trimestre 2009. En moyenne, le taux de chômage pourrait s'élever à 20 % en 2010, ce qui affectera mécaniquement les finances publiques.
Le gouvernement a cependant annoncé plusieurs réformes structurelles visant à assurer l'équilibre des finances publiques à plus long terme. La première concerne les retraites. Le gouvernement souhaite porter l'âge de la retraite de 65 à 67 ans d'ici à 2025. La deuxième réforme structurelle concerne le marché du travail. Sur six points de PIB de hausse des dépenses publiques (cumul 2008-2009), trois points sont imputables à l'accroissement des prestations sociales (allocations chômage principalement). Plusieurs questions sont à l'ordre du jour : le chômage des jeunes (qui touche 39 % des 16-24 ans), la dualité du marché du travail, les aides au retour à l'emploi...
Enfin, le gouvernement devra poursuivre et amplifier sa politique de diversification sectorielle afin de rompre définitivement avec le modèle actuel - fondé sur l'endettement privé, l'immobilier et la construction - et renouer avec une croissance forte et équilibrée. Cet ajustement sectoriel devrait durer plusieurs années, mais il ne devrait pas compromettre la consolidation des finances publiques à terme. En effet, la faiblesse de la dette et l'existence d'importantes marges de manoeuvre du côté des recettes devraient permettre à l'Espagne de faire face à ce nouveau défi.
Philippe Sabuco, extrait de Eco Week, direction des études économiques, BNP Paribas